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L’hystérie et la sexoanalyse Claude Esturgie M.D., président de l’Institut français de sexoanalyse, France«La souffrance hystérique n’est qu’un seul nom, mais diverses et innombrables sont les formes qu’elle prend.» Claude GALIEN 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 CHAPITRE L’HISTORIQUE ET LA DÉFINITION DE L’HYSTÉRIE L’hystérie est l’Hydre de Lerne de la psychiatrie donc, comme son étymologie le présuppose, de la sexologie. De l’autre côté de l’Atlantique, elle a été éliminée des catégorisations nosologiques, mais la clinique nous convainc de son actualité. Même si les grandes crises historiques ou les syndromes de conversion spectaculaires sont devenus rares, sans pour autant avoir disparu, nous devons savoir la reconnaître sous les masques derrière lesquels elle se dissimule: troubles du comportement alimentaire, spasmophilie, certains états dits borderline, et plus particulièrement toutes les sexoses, tant masculines que féminines. L’histoire de l’hystérie est plus de deux fois millénaire: un papyrus de l’Égypte ancienne fait état de certains comportements féminins en relation avec des déplacements utérins anarchiques. Mais ce sont les médecins grecs et romains d’Hippocrate à Galien (chacun sait que le mot «hystérie» dérive du grec hustera: utérus) qui ont les premiers tenté d’expliquer les manifestations protéiformes de cette affection: utérus migrant et suffocant pour Hippocrate, hypothèse reprise par Platon, rétention séminale pour Galien (conception qui lui permet d’étendre l’hystérie à l’homme dans sa ressemblance et sa différence avec l’hystérie féminine). NOUVELLES PERSPECTIVES EN SEXOANALYSE 124 De l’Antiquité jusqu’à nos jours, l’hystérie n’en finit pas de se travestir, fascinant médecins, mais aussi peintres, poètes, romanciers et philosophes. Au Moyen Âge, elle se fait sorcière et possédée, mystique parfois. Au XIIIe siècle, en Occitanie, elle se pare des atours de l’amour courtois: «Les règles de la fine amor imposaient de retarder indéfiniment le moment où l’amant parvenait au but, déplaçant ainsi la jouissance, la transférant de l’assouvissement dans l’attente et l’installant au cœur du désir lui-même.» (cette phrase de G. Duby illustre assez bien la position de l’hystérique face au désir). Au XVIIIe siècle, elle rôde autour du baquet de Mesmer, précipitant en pâmoison les dames de la haute société. Du romantisme à Flaubert, elle entre en littérature. Elle se prolétarise avec les malheureuses filles de La Salpêtrière sous le pouvoir hypnotique de Charcot et le regard du jeune Freud. Dans la Vienne de la Sécession, elle propose ses énigmes à la bourgeoisie qui se presse à l’Opéra pour écouter les symphonies de Gustav Mahler. Elle hante les belles contemporaines de Klimt, Schiele, Kokoshka, Nietzsche, Rilke, Alma Mahler ou Lou Andréas-Salomé. On ne peut oublier que c’est à partir de l’hystérie que Sigmund Freud, à la même époque, élabore la théorie métapsychologique qui fonde la psychanalyse. Plus près de nous, elle subjugue les surréalistes: «L’hystérie n’est pas un phénomène pathologique et peut à tous égards être considérée comme un moyen suprême d’expression» (Louis Aragon et André Breton, 1918). Il faut voir dans cette assertion plus d’enthousiasme poétique que de rigueur clinique, la confusion entre l’expression et l’illusion de l’expression. Nous retrouvons l’hystérie aussi bien chez nos stars les plus mythiques que chez nos patientes ou nos patients de chaque jour. Depuis Lasègue, Freud et ses disciples ont permis, plus et mieux qu’une définition, une analyse et une compréhension de l’hystérie. Comme nous l’avons vu, le lien de l’hystérie à la sexualité a été pressenti dès l’Antiquité grecque. Charcot l’a mis en évidence jusqu’à la caricature dans les mises en scène manipulatrices de ses célèbres leçons cliniques et en a souligné la permanence tout au long de l’histoire dans son ouvrage Les Démoniaques dans l’art. Freud a établi les processus inconscients qui permettent d’exprimer dans un corps imaginaire une souffrance psychique liée à la sexualité: le symptôme hyst...

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