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L’industrie financière et les fonds responsables Tutti frutti et devenir Marie-France Turcotte et Bouchra M’Zali Ce texte traite de finance responsable, un phénomène qui correspond à une tentative concrète d’application du concept de responsabilité sociale d’entreprise (RSE) (Desrochers, 2002) et qui, du coup, est porteur des mêmes tensions. Le propos consistera d’abord à souligner les principaux enjeux d’application du concept de RSE observés à travers l’offre de fonds éthiques et environnementaux. Ces défis relèvent de deux grandes questions : Qu’est-ce que la RSE? Comment l’évaluer? Après avoir discuté de ces grandes questions, nous verrons comment le secteur de l’investissement socialement responsable a tenté d’y répondre, mais d’abord, tentons de définir la RSE. QU’EST-CE QUE LA RSE? Avec tous les scandales financiers qui ont été médiatisés au cours des dernières années, la RSE est un sujet à la mode. Vivons-nous pour autant une période formidable pour étudier la responsabilité sociale d’entreprise? Certes, les conséquences désastreuses de ces fraudes se font ressentir tant chez les employés, dont les emplois sont menacés par la mauvaise position de l’entreprise, que chez les investisseurs auxquels on a fait courir des risques indus, qu’au sein du système financier lui-même. Celui-ci ne peut en effet fonctionner sans la confiance des investisseurs. Les conséquences des comportements irresponsables des gestionnaires mettent donc en évidence la pertinence de s’intéresser à l’éthique de l’entreprise et, par extension, à la responsabilité sociale d’entreprise. Toutefois, ces cas concernent principalement les relations entre actionnaires et hauts gestionnaires. La responsabilit é sociale d’entreprise ne concernerait-elle que cette seule relation? Selon le paradigme néolibéral, la réponse à cette question est oui. En fait, la proposition fort popularisée de Friedman (1970) selon laquelle la seule RSE est envers le bien-être financier des actionnaires, est fondée sur le postulat que le bien- être collectif sera garanti non pas par le comportement éthique des entreprises, mais 96 Responsabilité sociale d’entreprise par la « main invisible », par le libre fonctionnement du marché qui génère la productivité, l’innovation et la richesse collective. Dans des cas de fraudes comme Enron et bien d’autres, cette responsabilité envers les actionnaires n’a pas été respectée, ce qui compromet le bon fonctionnement du marché. Mais la responsabilit é d’entreprise se limiterait-elle à cela? Plusieurs pensent que non. Notamment, le courant de la théorie des parties prenantes (stakeholder theory) s’oppose à cette vision étroite de la responsabilité des entreprises et considère qu’il existe un contrat implicite entre l’entreprise et la société. Si ce contrat est rompu, l’entreprise perd sa légitimité et ne peut bientôt plus fonctionner. En conséquence, l’entreprise doit gérer ses relations avec ses parties prenantes, c’est-à-dire avec tous ceux qui peuvent affecter les activités de l’entreprise ou être affectés par celles-ci (Freeman, 1984). C’est donc plutôt à cette vision élargie de la responsabilité sociale (Wood, 1991 ; Pasquero, 1985) que les promoteurs des fonds d’investissements éthiques adhèrent. Qui sont les parties prenantes devant qui l’entreprise est responsable? Ils sont nombreux. Il s’agit des actionnaires bien sûr mais aussi des travailleurs, des fournisseurs, des distributeurs, de la communauté, et même de l’environnement. En effet, dans la foulée de la popularisation du concept de développement durable dans les milieux corporatifs et dans les milieux universitaires, l’environnement a aussi été reconnu comme stakeholder (Starik, 1995). La question restera bien sûr de savoir qui parlera en son nom et quel est le pouvoir d’influence et la légitimité de ses porte-parole. Ainsi, la théorie des stakeholders stipule que l’entreprise doit répondre à la fois aux attentes des actionnaires et à celles des autres stakeholders. C’est exactement le programme que se fixent les fonds responsables. On peut lire dans les prospectus de fonds éthiques, socialement responsables ou environnementaux, que leur mission est de fournir du rendement à l’investisseur tout en sélectionnant des entreprises qui sont responsables envers leurs stakeholders. A priori, on pourrait penser qu’il existe un conflit entre la performance sociale de l’entreprise et sa performance financière. Par exemple, de meilleures conditions pour les travailleurs représentent des...

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