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Finance responsable et responsabilité sociale des entreprises Vers une régulation du 3e type?1 Corinne Gendron En août 2002, le gouvernement québécois tenait une consultation publique sur la responsabilité sociale des entreprises et l’investissement responsable à l’initiative de la Commission des finances publiques. La Commission souhaitait débattre de la question suivante : Compte tenu de la place occupée maintenant par la responsabilité sociale des entreprises et l’investissement responsable, quel rôle le gouvernement est-il appelé à jouer dans ses interventions auprès du secteur privé et dans ses propres activités? Après deux ans, cette question à laquelle la Commission n’a pas encore eu le loisir de répondre est toujours d’actualité2 ; nous avons donc décidé de nous y pencher mais aussi d’explorer plus largement en quoi et comment la finance responsable peut concourir à la responsabilité sociale des entreprises et au développement durable. Pour répondre à cela, il nous a semblé tout d’abord qu’il peut être utile de clarifier les concepts de développement durable et de responsabilit é sociale. Dans un deuxième temps, nous proposons un survol de la pratique de la finance solidaire sous ses quatre formes : le tamisage (filtres) et l’activisme (ou engagement) actionnarial qui concernent les placements, et le capital de développement (ou de risque) et la finance solidaire, qui concernent les investissements . En troisième lieu, nous discutons des limites de ces différentes pratiques 1. Nous tenons à remercier le programme INÉ du CRSH qui a financé les recherches à la base du présent article. 2. Après deux ans, la commission des finances publiques n’a toujours pas déposé de rapport final et on peut aujourd’hui douter qu’il y en ait un qui soit produit. Nous menons par ailleurs à la Chaire de recherche Économie et Humanisme sur la responsabilité sociale et le développement durable une analyse des 25 mémoires qui y ont été déposés. 80 Responsabilité sociale d’entreprise pour terminer enfin par le rôle potentiel qu’un État stratège pourrait avoir en vue de faciliter le concours de la finance responsable à la responsabilité sociale de l’entreprise et au développement durable. DÉVELOPPEMENT DURABLE ET RESPONSABILITÉ SOCIALE : DEUX CONCEPTS À CLARIFIER Comme le soulignent avec justesse de nombreux auteurs et praticiens, le développement durable est un concept flou dont l’opérationalisation au sein de l’entreprise est difficile, et pour cause. Même s’il a été récupéré par bon nombre d’entreprises à travers un glissement significatif vers la croissance ou la gestion durable, le développement durable n’est pas un concept managérial et n’a jamais eu la prétention de l’être. Il traduit plutôt une rupture souhaitée par des acteurs, puis des institutions, avec un modèle de développement industriel productiviste qui s’avère dépassé en regard des enjeux environnementaux actuels, mais aussi en regard des promesses déçues d’un enrichissement partagé porté uniquement par la dynamique de la croissance et du marché. Nos recherches nous conduisent à la conclusion que loin d’être un effet de mode, la diffusion du concept de développement durable traduit un véritable changement de paradigme que nous avons pu observer auprès de l’élite économique , et qui comporte des ruptures claires par rapport au modèle de développement ayant caractérisé les trente glorieuses (Gendron, 2001a). D’une part, l’activité économique doit désormais s’inscrire au sein des limites de la biosphère. D’autre part, le progrès ne s’incarne plus tant dans une industrialisation à outrance que dans le développement de nouvelles technologies fortement dématérialisées, c’est-à-dire à très faible intensité écologique. Enfin, les pays du Sud et leurs projets de développement se posent désormais comme un paradoxe compte tenu de leur poids démographique et des limites reconnues de la biosphère. D’un autre côté, le paradigme de développement durable qui semble s’imposer, signant ainsi la désaffection de ses promoteurs de première heure, s’inscrit toujours dans un programme consumériste et la nécessité de la croissance économique (Id.). C’est donc à une échelle de projet de société que se définit le développement durable dont seul un usage abusif est susceptible d’en faire une stratégie managériale ou un...

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