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© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés C h a p i t r e 2 L’IMPORTANCE DE L’ÉVALUATION FONDÉE SUR LA THÉORIE EN SUICIDOLOGIE Marc Daigle Les gens engagés dans la prévention du suicide espèrent, par définition, changer le cours des choses et ils le tentent par divers moyens. Lorsque ce changement est bien planifié, bien structuré, nous parlons alors d’un programme de prévention du suicide. En effet, à sa plus simple expression, un programme est un changement social planifié. Nadeau relève aussi la notion inhérente de changement et précise qu’il s’agit d’un «ensemble d’activités qui regroupent, pour leur réalisation, des ressources humaines, matérielles et financières, en vue de produire des services particuliers à une population dans le but d’en changer l’état» (Nadeau, 1988, p. 421). Mais, en disant cela, nous sommes déjà loin dans les différentes étapes qui jalonnent ou devraient jalonner toute démarche d’intervention sociale et de planification de programme . D’où l’intérêt de fournir d’abord quelques repères conceptuels dans le domaine, surtout si nous voulons nous intéresser plus particulièrement ensuite à l’évaluation de programmes fondée sur la théorie. Puis, nous verrons les avantages que cette approche présente en suicidologie, pour finalement étudier un exemple d’application. 24 • Évaluation de programmes en prévention du suicide© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés 2.1. Quelques repères conceptuels On devrait d’abord cerner précisément le problème dans le milieu social qui nous intéresse. Or, il y a problème lorsque nous constatons un écart entre la réalité et ce qui paraît désirable: « Les taux de suicide sont trop élevés.» Il s’agit, en quelque sorte, d’un diagnostic (DX) qui est posé ici et représenté dans la figure 2.1. L’ampleur de cet écart, c’est-à-dire la différence entre l’état initial et l’état désiré, sera rapportée le plus souvent en termes quantitatifs (prévalence, incidence), mais aussi parfois en termes qualitatifs. En effet, différentes attentes sont ici en jeu et elles s’expriment souvent de manière normative («les taux de suicide sont plus élevés dans notre région que dans les autres régions»). Ces attentes correspondent aussi à ce que ressentent les citoyens («notre communauté est trop affectée par le phénomène du suicide des jeunes») ou à ce qu’ils vivent plus spécifiquement («j’observe de plus en plus de suicides dans mon entourage»). Par ailleurs, rien n’est définitif à cette étape, puisque la définition même d’un problème veut que ce soit un ensemble de perceptions courantes que nous avons à propos d’un écart toujours fluctuant entre un état existant et un état désiré (Van Gundy, 1988). PROBLEME (DX) BESOIN SOLUTION Ampleur dans groupe cible (prévalence, incidence, qualifatif Désirable  Buts Réalité Écart < Diminuer l’écart d’agir (jugement de valeur) Pas d’action parce que l’impossibilité d’agir, démobilisation, coûts trop élevés, changements en cours etc Action = Programme (changement social planifié) Selon des attentes : • Normatives (experts) • Ressenties (population) • Vécues (utilisation Science Moment médiatique Valeurs Politique Science Valeurs Politiques Référer à programmes existants (inventaires, etc.) N Figure 2.1 Les étapes menant à l’apparition (ou non) d’un programme Pas d’action parce que l’impossibilité d’agir, démobilisation, coûts trop élevés, changements en cours. Nouveau programme Politiques PROBLÈME (DX) (prévalence, incidence, qualitatif) Vécues (utilisation observée) impossibilité d’agir, en cours, etc. [3.14.83.223] Project MUSE (2024-04-26 13:36 GMT) L’importance de l’évaluation fondée sur la théorie en suicidologie • 25© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés N’empêche, une certaine rationalité scientifique peut s’exprimer à cette étape et réussir à contrebalancer des éléments trop subjectifs. Par exemple, des données épidémiologiques claires réussiront éventuellement à relativiser l’ampleur, par rapport à tel autre groupe d’âge, du phénomène du suicide des jeunes, pourtant cruellement ressenti dans la population. Mais la science n’est pas gage de tout à ce sujet et les débats ne sont pas toujours clos.Ainsi, la norme utilisée pour effectuer des comparaisons statistiques peut être contestée: le taux de suicide des hommes incarcérés peut être estimé à onze fois plus élevé que celui des hommes du même âge vivant en communauté. Considérée de cette manière, l’ampleur de l’écart constituerait un problème sur lequel il faut décidément agir. Mais une autre norme peut être adoptée: celle du taux de suicide des délinquants qui, eux, ne sont pas incarcérés. Dans ce nouveau calcul, l’écart serait presque nul dans la comparaison effectuée; il faudrait de nouveau se demander s’il y a des raisons de s’inquiéter et ce sont des éléments plus subjectifs qui entreraient finalement en jeu. Si cela nous indique à quel point il est important d’avoir un groupe normatif (groupe témoin, groupe de comparaison) adéquat, il subsiste encore une autre difficulté: la façon de calculer les taux de suicide. En règle générale, les taux de suicide dans les populations sont estimés en fonction d’un dénominateur qui est assez stable, soit la population d’une région ou d’un état pour une année donnée. Or, dans les institutions (prisons, mais aussi collèges, casernes militaires, hôpitaux psychiatriques, centres de jeunes, etc.), les populations sont fluctuantes. Par exemple, 56921 individus sont admis, pour une année donnée, dans les prisons du Québec, mais il n’y en a, en moyenne, que 3302 qui y vivent. Quel dénominateur nous servira alors pour évaluer un taux de suicide? De notre choix dépendra la reconnaissance ou non d’un problème. Cette démarche plus ou moins scientifique conduira à une deuxième étape, celle de l’identification d’un besoin d’agir, besoin de diminuer l’écart constaté précédemment. Ici, plusieurs jugements de valeur interviendront, ne serait-ce que, politiquement, sur l’acceptation d’une responsabilité sociale. Rappelons, pour ce qui est du problème du suicide, qu’il y a au moins quatre niveaux où nous sommes interpellés: celui de la société entière, celui des institutions concernées, celui des intervenants spécialisés et, naturellement, celui des clients des services (Daigle, 1999). Philosophiquement cependant, certains s’interrogeront pourtant sur le droit que s’arroge la société d’intervenir dans ce qui serait le «choix» des individus de se suicider. Certains seront également réticents à intervenir auprès d’individus qui ne le «mériteraient» pas (les délinquants qui ont déjà fait souffrir la société, par exemple) ou de ceux qui ont, de toute façon, «adopté» un mode de vie suicidaire (les toxicomanes, par exemple). De la même façon, d’autres voudront agir sur d’autres problèmes qu’ils jugent, à tort 26 • Évaluation de programmes en prévention du suicide© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés ou à raison, prioritaires ou plus émouvants. (Pour s’appuyer sur un exemple québécois récent, les rares décès par méningite chez les jeunes enfants.) Inversement, d’autres voudront agir très rapidement pour diminuer les taux de suicide, mais surtout dans des populations qu’ils jugent, à tort ou à raison, plus touchées (les jeunes par exemple). On le voit ici, à cette deuxième étape, le scientifique a encore moins d’emprise sur le cheminement de la société et l’issue de la question peut dépendre du moment médiatique ou de l’influence de certains leaders. Et pourtant, faut-il le rappeler, ces éléments «subjectifs» qui semblent gêner le travail des scientifiques sont tout de même ceux qui permettent généralement à une société de progresser. En effet, que ferions-nous de nos données scientifiques et estimations rationnelles des besoins s’il n’y avait pas, par-delà les gestionnaires de la santé, de grands débats publics opposant de grands penseurs et leaders d’opinion? Là-dessus, il est d’ailleurs intéressant d’invoquer Lomas (1997; cité dans Bouchard, 2001), qui précise l’univers dans lequel les politiques sont élaborées. Il identifie certes des structures officielles, mais aussi des structures plus officieuses: courtiers en politique, coalitions, intervenants et citoyens. Selon cette vision des choses, les chercheurs, tout comme les maisons de sondage, sont essentiellement des producteurs de connaissances qui doivent le plus souvent composer avec des fournisseurs de connaissances: médias, porte-parole, réseaux. Mais comment agir pour régler les problèmes sociaux, pour diminuer les écarts constatés? À cette troisième étape, celle qui propose d’apporter des solutions, la science peut intervenir de nouveau, mais il subsiste encore bien des écueils inhérents aux valeurs et aux enjeux politiques. Tout d’abord, il faut bien admettre qu’il n’y a pas toujours de solutions pour contrer les problèmes que nous avons relevés. Par exemple, nous savons qu’il n’existe toujours pas de médicaments pour soigner certaines maladies. De la même façon, certains pourraient alléguer qu’il n’y a pas vraiment de solutions pour faire diminuer les taux de suicide dans tel ou tel segment de la population . Ce point de vue, peut-être réaliste dans certaines circonstances, sera rejeté d’emblée par ceux qui, à l’étape précédente de l’identification du besoin d’agir, ont porté le flambeau de l’action. En effet, le militantisme inhérent à une étape peut être incompatible avec la démarche rationnelle d’une autre étape. De façon réaliste, il faut aussi envisager ici la possibilité que la mobilisation sociale ne soit pas suffisante à un moment donné ou bien que le changement recherché soit déjà en cours à l’intérieur d’un mouvement social plus vaste. Par exemple, la courbe démographique d’un pays peut être en train de subir des modifications importantes, ce qui ramènerait éventuellement les taux de suicide de ce pays à un niveau comparable à d’autres. Des changements socioculturels majeurs pourraient aussi modifier rapidement les attitudes des hommes, pour prendre l’exemple du genre le plus affecté par le suicide, ce qui éventuellement diminuerait L’importance de l’évaluation fondée sur la théorie en suicidologie • 27© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés le problème reconnu chez eux. Tous ces arguments, on le voit bien, ne seront cependant pas entendus par ceux pour qui chaque suicide est de trop (un point de vue qui est certes très juste moralement et socialement). Et pourtant, tout ce qui a été avancé plus haut n’est qu’un minimum de considérations à prendre en compte, non seulement pour bien faire l’exercice de planification d’un programme (un «changement social planifié»), mais aussi pour être capable de maintenir ensuite la cohérence du programme d’intervention et la motivation des intervenants à long terme. Si la nécessité de passer à l’action, de mettre en œuvre un programme, est maintenue, le besoin de bien cibler le type de programme en cause et son ampleur est aussi impératif. En effet, il reste encore à préciser quels objectifs le programme va retenir. Il ne faut pas présumer que le programme peut s’attaquer à l’ensemble des problèmes découverts à la première étape. Il faut en même temps préciser la place que le nouveau programme prendra par rapport aux interventions sociales déjà existantes et, éventuellement, lesaspectsoriginauxqu’ilapporteraounon.Eneffet,àlalimite,leprogramme ne pourrait qu’être la réplique d’un programme déjà existant ailleurs, qu’il soit recensé ou non dans la littérature. De plus, comme nous le verrons plus loin, le programme choisi devrait avoir une cohérence telle que nous puissions espérer le voir produire certains changements, c’est-à-dire qu’il doit reposer sur de bons fondements théoriques. Donc, toute une démarche précède la création d’un programme. Et c’est une démarche qui ne s’observe pas souvent, du moins de façon bien explicite. En effet, l’histoire de la prévention du suicide, de la création des Samaritains en Angleterre aux centres de prévention en Californie, est influencée par bien des considérations beaucoup plus subjectives. Cela n’empêche pas de tendre vers cette rationalité si nous voulons finalement être capables d’évaluer les programmes qui nous intéressent. Il s’agit donc d’un long processus de recherche de sens qui, rappelons-le, s’effectue particuli èrement bien avec l’évaluation de programmes fondée sur la théorie. Par ailleurs, toute la démarche de programmation décrite précédemment n’est pas sans inconvénients, notamment à cause de l’homogénéisation des besoins exprimés par la clientèle. Guay (2001, p. 291) nous rappelle le caractère « bureaucratique et centralisé » de l’approche programme et le danger de s’éloigner de l’approche client. En effet, le programme, tel qu’il est finalement constitué, risque de conditionner, en bout de piste, l’offre de services et les demandes mêmes des clients. Ces derniers «se conforment au service prédéfini qui est la seule porte d’entrée pour recevoir de l’aide» (Guay, 2001, p. 287). Néanmoins, il faut considérer que ces critiques sont peut-être moins pertinentes dans le domaine de la suicidologie et l’approche programme, si elle est bien menée, constitue un moindre mal dans un monde où la confusion règne souvent pour définir les problèmes, exprimer les«besoins» et y répondre. [3.14.83.223] Project MUSE (2024-04-26 13:36 GMT) 28 • Évaluation de programmes en prévention du suicide© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés 2.2. L’évaluation centrée sur la théorie L’évaluation fondée sur la théorie nous place donc au cœur de toutes les considérations mentionnées ci-dessus et pose deux questions fondamentales aux intervenants et aux gestionnaires : «Comment intervenez-vous en prévention du suicide? » et «Sur quoi basez-vous vos interventions ?» En somme, «quel est le principe de l’action?» (Terra, 2000). Quoiqu’il n’y ait pas incompatibilité (plusieurs démarches peuvent s’effectuer en parallèle), cette approche plus théorique se distingue nettement de deux autres approches importantes en évaluation de programmes: celle centrée sur les effets et celle centrée sur les utilisateurs. L’approche centrée sur les effets est dite «classique» en évaluation, ne serait-ce que parce que, historiquement, c’est la première question qui a été posée aux évaluateurs : « Quels sont les effets de ce programme ?» L’approche est donc sommative et s’intéresse moins au processus qui s’opère à l’intérieur d’un programme qu’à ses résultats. Le processus du programme n’est alors, à la limite, qu’une boîte noire que nous pourrions tout aussi bien ignorer pour nous concentrer sur la mesure de l’efficacité (Rossi, Freeman et Lipsey, 1999). Or, en suicidologie, cette approche n’est pas toujours très judicieuse puisque, de toute façon, les effets recherchés (la diminution ou la disparition des comportements suicidaires) sont souvent très difficiles à mesurer, ne serait-ce que parce qu’ils peuvent survenir (ou non) très longtemps après le déroulement du programme, c’est-à-dire pendant toute la vie normale des personnes ciblées. Entre-temps, ces phénom ènes «distaux» ont donc pu être soumis à bien d’autres influences qu’à celles du programme, et c’est sans compter la difficulté de mesurer des changements dans des événements qui surviennent relativement rarement dans des grands ensembles (ils sont d’ailleurs mesurés par 100000 personnes). La solution sera alors de s’intéresser à la mesure de phénomènes intermédiaires (plus «proximaux»), mais, dans ce cas, c’est probablement une approche fondée sur la théorie qui nous aidera le plus à les reconnaître. Quoi qu’il en soit, un exemple typique de cette approche est l’étude que Miller, Coombs, Leeper et Barton ont faite en 1984. En comparant les taux de suicide dans les États américains qui recevaient (ou non) les services des centres de prévention du suicide, ces chercheurs ont découvert que ces derniers étaient efficaces, mais uniquement auprès des femmes de race blanche âgées de moins de vingt-cinq ans. Dans ce cas-ci, les auteurs ont observé que cette clientèle féminine était néanmoins celle des centres de prévention, mais ils n’ont pas étudié plus avant le processus même de l’intervention téléphonique ni sa logique interne. L’autre grande approche, celle centrée sur les utilisateurs, est plus axée sur les besoins exprimés par les acteurs du milieu de l’intervention. Il s’agit d’une démarche plus formative que sommative et l’évaluateur doit L’importance de l’évaluation fondée sur la théorie en suicidologie • 29© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés relever ici le défi d’être plus flexible et plus polyvalent, notamment dans le choix des méthodes qu’il utilise. Les acteurs du milieu sont plus sollicités et plus actifs. Le but de cette démarche est de favoriser la prise de décision, l’action et le changement. Divers modèles d’évaluation peuvent être regroupés sous ce grand vocable, mais, dans l’ensemble, ils mettent l’accent sur les questions et les valeurs des utilisateurs, de même que sur leur réappropriation des résultats de l’évaluation (Desrosiers, 1998).Au Québec, divers projets suivent cette approche qui a notamment été adoptée pour mener une recherche dans les centres de prévention du suicide de la Montérégie (Daigle et Gariépy, 2002). Dans cet exemple, les intervenants et les gestionnaires s’inquiétaient de la faible utilisation de leurs services par la clientèle masculine et voulaient définir aussi bien les contraintes que d’éventuelles solutions. Ils suggéraient d’ailleurs eux-mêmes des pistes de solution à explorer, notamment la concertation avec des organismes parallèles. Dans un tel contexte, l’évaluateur doit donc souvent utiliser des approches plus qualitatives, ou du moins faire des observations plus approfondies. Par rapport à ces deux approches, l’une centrée sur les effets et l’autre sur les utilisateurs, celle centrée sur la théorie se veut plus fondamentale. Dans le devis qui doit être établi pour un programme, elle s’intéresse à la modélisation d’une logique interne, à l’établissement d’un cadre causal. Il s’agit donc d’un cadre théorique pour décrire les effets et les conséquences d’un programme dans leurs relations avec le développement et l’implantation de celui-ci (Mayeske et Lambur, 2001). Dans la littérature, cette approche connaît diverses variantes, soit theory-based, theory-driven, causalpath , causal-model, logic-model, program-model, outcome-line, cause-map, actiontheory , mais s’inspire essentiellement des principes déjà énoncés (Chen, 1989; Cordray, 1989; Petrosino, 2000; Rossi et al., 1999; Weiss, 1997). Deux types de fondement théorique nous intéressent finalement ici, soit celui qui se rapporte à la compréhension du problème et celui qui réfère au programme. Le premier se concentre sur les facteurs (plus ou moins causaux) associés au problème et le second sur les facteurs retenus et ciblés par le programme. Certes, la question n’est pas simple. En suicidologie, plusieurs théories peuvent être retenues pour définir le problème, certaines étant convergentes, d’autres étant carrément incompatibles (Lester, 1992, 1994). Ici comme dans bien d’autres domaines, la simplicité d’un modèle est gage de sa clarté et de sa validité. De même, l’identification précise des variables en cause a l’avantage de permettre ensuite de greffer des éléments qui seront plus spécifiques à la théorie du programme. Par exemple, le modèle développé par Mishara (2002b) établit les facteurs de risque, mais aussi les sept étapes que traverse la personne confrontée à un problème qu’elle juge insupportable: recherche de solutions, option suicide envisagée, intention suicidaire, motivation suicidaire, accès à un moyen jugé acceptable, 30 • Évaluation de programmes en prévention du suicide© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés tentative de suicide et éventuellement suicide. Ce modèle définit aussi des lieux, à l’intérieur de ce processus suicidaire, où l’intervention aurait plus d’emprise, tant sur le plan individuel que sur le plan environnemental. Par ailleurs, plusieurs éléments étiologiques peuvent être communs à d’autres problèmes. Par exemple, selon le modèle de Plutchik et van Praag (1994), les mêmes facteurs peuvent conduire à l’expression d’une violence dirigée contre soi ou contre les autres. Nous sommes alors interpellés par les objectifs que nous voulons atteindre puisque nous débordons rapidement du cadre initial. Pour ce qui est de la théorie du programme, qui découle de la théorie du problème précédemment adoptée, elle doit donc se concentrer sur les éléments du problème sur lesquels nous pensons pouvoir agir et que nous croyons susceptibles d’entraîner une conséquence heureuse. Cette causalité supposée est au cœur de la question et elle justifie ou non la mise en œuvre d’un programme. Dans le cas qui nous préoccupe, il est présumé que telle intervention pratiquée à telle étape entraînera finalement un changement dans les comportements suicidaires. La théorie du programme suppose donc de définir des moyens pour atteindre certaines fins (Rossi et al., 1999). Breton, Boyer, Bilodeau, Raymond, Joubert et Nantel (1998, p. viii-ix) précisent que «le modèle théorique du programme permet d’identifier la cause ou facteur ciblé par le programme, de savoir comment les ressources et activités vont modifier cette cause ou facteur ciblé (hypothèse du programme ) et comment la modification de cette cause ou facteur permettra d’atteindre les objectifs du programme (hypothèse causale)». L’hypothèse du programme correspondrait ainsi à une théorie du processus, alors que l’hypothèse causale correspondrait à une théorie de l’impact (Rossi et al., 1999). Ici, l’hypothèse du programme serait par exemple que, en informant sur le suicide, sur les préjugés, les signes précurseurs, les comportements d’aide et les ressources, on contribue à sensibiliser les pairs aux manifestations du processus suicidaire. L’hypothèse causale pourrait être libellée de la manière suivante: en améliorant la sensibilisation des pairs aux signes et indices précurseurs, on peut agir sur le processus suicidaire et finalement diminuer les comportements suicidaires. Par ailleurs, notons que cette hypothèse causale repose sur une hypothèse d’action relativement claire pour ce qui est des effets plus «proximaux », mais sur une hypothèse plus«conceptuelle» pour ce qui est des effets plus «distaux» (Rossi et al., 1999). En effet, le lien présumé entre les interventions effectuées et les effets immédiats peut être bien documenté, alors que le reste peut être plus spéculatif. En toute logique, il faut cependant qu’il y ait une bonne présomption de l’efficacité du programme pour le maintenir. Néanmoins, de multiples contingences interviennent ici et Terra (2000) souligne quatre dimensions à prendre en compte : stratégique, culturelle , technique et structurelle. La dimension stratégique nous encourage [3.14.83.223] Project MUSE (2024-04-26 13:36 GMT) L’importance de l’évaluation fondée sur la théorie en suicidologie • 31© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés notamment à tenir compte de la dynamique interne entre les personnes impliquées dans le programme et des résistances qui y sont observées. La dimension culturelle nous incite à dégager une représentation commune du problème et des objectifs, et à cultiver la certitude d’un changement possible dans un climat de dialogue. La dimension technique établit les recommandations sur lesquelles se fondent l’action, la formation des personnes intéressées, les méthodes, les outils et, chose importante pour le responsable de l’évaluation, le choix des indicateurs. Finalement, la dimension structurelle définit la mission de l’organisme en cause, les rôles et responsabilit és de chacun, la transparence, le pilotage, les systèmes assurant la sécurité et la qualité, de même que l’évaluation des compétences, des organisations, des processus et des résultats. Cela étant dit, comment l’évaluateur va-t-il réussir à préciser et à discerner les théories propres au problème et au programme à l’étude? En règle générale, ces théories ne seront pas explicites, ni dans la documentation de l’organisme en cause ni dans le discours des intervenants ou des gestionnaires. Par exemple, une enquête récente effectuée dans les centres de prévention affiliés à l’American Association of Suicidology a montré que les responsables étaient capables de définir le type d’interventions qu’ils pratiquaient, mais pas d’établir le lien qu’elles avaient avec une diminution présumée des taux de suicide (Mishara, 2002a). C’est donc par un processus itératif de formulation et de reformulation des théories que l’évaluateur parviendra éventuellement à repérer celles sur lesquelles s’appuiera son travail. On le voit, la démarche n’est pas simple et elle peut constituer, en soi, l’objectif unique de l’évaluation du programme. En effet, une telle démarche peut pointer des problèmes majeurs qui commanderaient une restructuration, sinon l’abandon même du programme. Vue de cette manière, il s’agit aussi d’une démarche dite d’évaluation de l’«éventualité» du programme (Rossi et al., 1999). En effet, à quoi sert de poursuivre l’évaluation du programme pour vérifier ses effets présumés ou répondre aux questions des utilisateurs, s’il ne repose pas sur des fondements théoriques acceptables? La théorie est donc tout au plus implicite dans les pratiques et les discours des intervenants et gestionnaires. L’évaluateur de programmes fait alors œuvre de découvreur, et non pas d’inventeur (Rossi et al., 1999), dans la gestation d’un rejeton qui devra finalement être reconnu par ses parents. Dans cette démarche maïeutique, il doit ainsi admettre, en toute humilité, qu’il n’est pas nécessairement le spécialiste du domaine couvert par le programme , ce qui n’empêche pas qu’il soit le spécialiste de l’évaluation, ce pour quoi il est d’ailleurs sollicité. D’un autre côté, ici comme ailleurs, il faut bien faire la distinction entre ce que les gens disent qu’ils font et ce qu’ils font réellement (Cyr, Lecomte et Bouchard, 1990; Rhéaume et Sévigny, 1987). En parallèle, il faut aussi distinguer la théorie épousée officiellement 32 • Évaluation de programmes en prévention du suicide© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés (espoused theory) et la théorie en usage (theory-in-use), lesquelles peuvent diverger grandement (Argyris, 1982) ne serait-ce qu’à cause de la routine qui s’établit progressivement dans un organisme. 2.3. Les avantages en suicidologie Nous l’avons vu, une approche fondée sur la théorie n’exclut pas nécessairement les autres approches, quoiqu’elle apparaisse souvent comme un préalable. Dans cette section, nous allons donc chercher à préciser les avantages d’une telle démarche, en nous inspirant notamment de Rossi, Freeman et Lipsey (1999) mais aussi de Desrosiers (1998). Un des avantages certains de l’approche fondée sur la théorie est qu’elle permet d’isoler les sources potentielles d’échec et de réussite. En effet, avant que ne soit entrepris un long processus d’évaluation de l’efficacit é, elle permet de reconnaître le processus causal qui est présumé à l’œuvre dans le programme. Si des incohérences sont relevées dans le modèle ou se révèlent entre le modèle et la pratique, elles pourront être corrigées, de même que des forces pourront être enrichies. Il s’agit, en quelque sorte, de repérer les éléments du modèle qui entraîneront les conséquences les plus heureuses sur les comportements ciblés. Il est alors possible de développer des stratégies effectives de changement dans l’organisme en cause avant que des erreurs trop coûteuses ne soient commises, que les intervenants ne soient démotivés et que, à la limite, le programme ne vienne à disparaître. Par exemple, un modèle d’intervention téléphonique sera repensé en fonction de deux grands types de clientèle suicidaire, les nouveaux appelants et les appelants répétitifs. Le bénéfice présumé des interventions n’étant pas le même, il est alors possible de définir les stratégies à adopter pour chacune des clientèles. En parallèle, la démarche pointera des effets non désirés, non prévus dans la planification originelle. Dans l’exemple précédent , il pourrait s’agir non seulement d’un renforcement de la dépendance pour une partie de la clientèle (les appelants répétitifs), mais aussi d’une démotivation des intervenants qui se sentent impuissants lorsqu’ils travaillent dans ce contexte. Cette approche théorique facilite donc le processus d’implantation du programme parce qu’elle aide à définir tous les éléments à mettre en œuvre pour obtenir un éventuel résultat. Par la même occasion, elle précise lesquels de ces éléments semblent les plus essentiels. L’approche théorique aide aussi à comprendre le programme dans sa totalité et à mieux le situer dans son contexte social plus large. Cela donne du sens à nos actions et nous permet de garder le cap sur nos objectifs principaux. En effet, comme nous l’avons déjà mentionné, la création d’un programme devrait s’insérer dans une démarche de responsabilisation L’importance de l’évaluation fondée sur la théorie en suicidologie • 33© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés sociale plus large. Une société s’inspire normalement de grandes philosophies sociales, lesquelles peuvent être explicitées dans des documents de priorités nationales ou dans de grandes chartes. Des stratégies nationales ou des politiques gouvernementales traduiront concrètement ces grands idéaux, ce qui aboutira éventuellement à la création de programmes, mis en œuvre dans différents sites ou projets. Présentée de la sorte, la démarche est claire, mais elle doit être rappelée, notamment dans une évaluation fondée sur la théorie. En effet, il est important de définir les fondements théoriques (plus ou moins scientifiques) d’un programme, mais il faut aussi inscrire tout cela dans un cadre social qui lui donne un sens. Par ailleurs, le chercheur ou l’évaluateur de programmes engagé dans son milieu n’est pas un observateur passif de ces grandes orientations sociales et il doit plutôt contribuer à mieux les définir (Bouchard, 2001). En France, une telle stratégie nationale a été annoncée en septembre 2000, mais elle visait plus spécifiquement la prévention du suicide chez les adolescents et les jeunes adultes. Selon Bouet (2001), de telles stratégies sont des «impulsions politiques à l’action». Au Québec, une démarche semblable s’est conclue par l’adoption de la Stratégie québécoise d’action face au suicide mise au point par le ministère de la Santé et des Services sociaux (1998). Cette stratégie précise d’ailleurs des «principes liés à l’action», ce qui montre bien le souci, justement, de définir les principes qui, bien appliqués, devraient conduire à des résultats. De plus, la stratégie québécoise cible des clientèles spécifiques et le type d’interventions à privil égier. Par ailleurs, cette stratégie est appuyée par le rappel médiatique de grands principes philosophiques et sociaux. Par son effet structurant, ou à tout le moins clarificateur, l’approche fondée sur la théorie peut aussi canaliser toutes les bonnes volontés qui, plus ou moins harmonieusement, agissent dans le champ de la prévention du suicide. En effet, nous savons que, dans un domaine aussi sensible et intime que la prévention du suicide (c’est-à-dire la préservation de la vie), toutes sortes de motivations sont en jeu chez les intervenants, et cela malgré les formations relativement rigoureuses qui leur sont données au départ. Or, il est loin d’être certain que tous s’entendent sur le sens qu’ils donnent à leur action. C’est d’ailleurs ce que constatent souvent les chercheurs qui font de l’observation participante auprès des intervenants, alors que les gestionnaires leur avaient pourtant décrit une certaine uniformité de pensée. Le fait de clarifier, avec eux, quels sont les éléments essentiels qui peuvent provoquer un changement chez les personnes suicidaires permet de reconnaître des points qui font consensus chez les partisans de différentes approches d’intervention. En parallèle, cela les conscientise sur ce qu’ils ont réellement à faire et leur permet d’évoluer d’une vision fonctionnelle (attributions de tâches) vers une vision processus (contributions à l’objectif fondamental de changement; Terra, 2000). Le tout nous renvoie finalement [3.14.83.223] Project MUSE (2024-04-26 13:36 GMT) 34 • Évaluation de programmes en prévention du suicide© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés aux grands débats sur les possibilités et sur les façons d’intervenir en prévention du suicide, mais peut-être avec des repères plus certains ou du moins mieux formulés. On le voit, une telle approche recentre les discussions au sujet d’un programme sur des arguments plus fondamentaux, plus scientifiques. Le débat peut alors passer d’un échange d’opinions à une évaluation des preuves présentées (Pietrzak, Ramler, Renner, Ford et Gilbert, 1990). Idéalement, tout cela relativise les ambitions de chacun et définit les changements qui sont vraiment réalisables. Cette démarche leur rappelle aussi que la prévention du suicide n’est pas innée, mais qu’elle est un acquis culturel, technique et structurel. À ce sujet, selon Terra (2000), il faut d’ailleurs rappeler que les marches de la prévention doivent être assez hautes pour être un rêve d’espoir, mais assez basses pour être gravies. Parce qu’elle prélève les éléments essentiels du programme, une évaluation plus théorique facilite également l’application du programme à d’autres contextes. Plus que cela, si l’évaluation est bien menée, elle permet même à des intervenants originaux et productifs de faire entendre leur voix et d’obtenir une certaine reconnaissance. En effet, l’évaluateur contribuera à expliciter leurs interventions et à valoriser leur expertise, souvent acquise horsdessentiersbattusoupourdesclientèlesbienspécifiques(Bledsoe,2001). Par ailleurs, si la causalité est très explicite dans le modèle théorique, une certaine efficacité devrait habituellement en résulter. Cet indicateur (relatif) de l’efficacité est un bon argument pour justifier le financement d’un programme bien planifié et documenté. «Comme disait un Boileau retouché par le Conseil du trésor: ce qui se conçoit bien se finance aisément» (Laplante, 1988, p. 20). Pour le chercheur ou pour l’évaluateur de programmes, l’approche théorique aide également à mieux formuler et à prioriser les questions d’évaluation , à établir un devis et même à interpréter les résultats de recherche (Rossi et al., 1999). Finalement, une modélisation théorique facilite la reconnaissance des variables plus «proximales» (sur lesquelles nous pouvons d’ailleurs agir plus facilement). Dans le domaine de la prévention du suicide, il s’agit là d’un avantage non négligeable, d’autant plus que, comme nous l’avons déjà vu, les taux de suicide sont justement trop « distaux», inaccessibles ou suspects en raison des interférences. Dans la section suivante, nous étayerons d’ailleurs ce constat. 2.4. Exemple d’application en suicidologie L’exemple québécois de l’évaluation de la Semaine de prévention du suicide (SPS) illustre bien les avantages d’une approche fondée sur la théorie. La SPS est considérée ici comme un programme parce qu’elle nourrit l’ambition L’importance de l’évaluation fondée sur la théorie en suicidologie • 35© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés de provoquer un changement social planifié, planifié dans ce cas-ci par l’Association québécoise de prévention du suicide (AQPS). Il s’agit là d’une des activités de l’AQPS, activité qui est plus visible dans les médias pendant une semaine donnée. La SPS occupe néanmoins l’AQPS et ses collaborateurs toute l’année, et ce, depuis 1989. Ici, l’AQPS avait une certaine présomption que la SPS était justifiée, sinon efficace, et elle mobilisait beaucoup d’énergie. Ne serait-ce que pour cette question d’investissement par rapport à d’autres priorités organisationnelles, l’AQPS voulait donc aller plus loin dans une démarche d’évaluation. D’un point de vue théorique, les deux questions centrales étaient donc: «Qu’est-ce que vous espérez changer dans la société avec la SPS?» et « Comment vous y prenez-vous ? » À la première question, l’AQPS pouvait répondre: «Sensibiliser, éduquer, mobiliser…», mais surtout «Faire diminuer les taux de suicide» et «Faire augmenter les demandes d’aide». À la suite d’un long processus d’itération, où les gestionnaires de l’AQPS ont d’ailleurs été très actifs, un seul grand objectif a finalement été fixé pour la SPS, soit celui de «Faire augmenter les demandes d’aide», et cela, dans la clientèle cible des hommes. Cet objectif a été retenu après qu’on eut théorisé le problème : «Le taux de suicide est plus particulièrement élevé chez les hommes. Or, le suicide est associé à la souffrance. Il faut demander de l’aide lorsqu’on souffre, sinon le passage à l’acte suicidaire peut devenir la seule solution pour certains. Et les hommes expriment moins leur souffrance, demandent moins d’aide et passent à l’acte plus souvent.» Plus fondamentalement, ce type d’explication s’appuie sur une des grandes théories qui tentent d’expliquer le suicide, soit celle qui invoque principalement l’apprentissage social particulier des hommes. En effet, nous considérons ici que certaines parties de la population (dont les hommes âgés de vingt à quarante ans) ont eu un apprentissage social qui les amène à moins exprimer leur souffrance et à moins demander de l’aide. Conséquemment, le risque suicidaire est plus élevé chez ces personnes. On le voit, la variable «demande d’aide» demeure une cible comportementale précise (d’ailleurs mesurable jusqu’à un certain point), mais elle a surtout l’avantage d’être plus proximale que la variable «taux de suicide», dont les inconvénients ont été évoqués précédemment. Cependant, il fallait aussi préciser des variables encore plus proximales, lesquelles posséderaient les trois qualités suivantes: un degré d’association suffisant avec la mesure distale, un caractère modifiable et la possibilité d’être mesurée quantitativement ou qualitativement (Breton, 2001). C’est dans ce contexte qu’a été retenu un modèle plus complexe, soit celui de l’action raisonnée de Ajzen et Fishbein (1980), reconceptualisé par la suite pour devenir celui du comportement planifié (Ajzen, 1988). La figure 2.2 illustre le modèle de l’action raisonnée, lequel est applicable à divers comportements. À partir 36 • Évaluation de programmes en prévention du suicide© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés de ce modèle général, une théorie causale pouvait donc être formulée pour mesurer les effets présumés de la SPS. La figure 2.3 illustre cette théorie selon laquelle, à une étape proximale, une amélioration des connaissances, des attitudes et des intentions aurait une influence, à une étape plus distale, sur les comportements de demande d’aide et, éventuellement, sur les comportements suicidaires. Notons ici que, aussi bien dans le modèle de la figure 2.1 que dans celui de la figure 2.3, des études scientifiques peuvent confirmer que certains liens de causalité existent entre les différentes variables. Cela ne fait que renforcer la validité d’un modèle, mais ce n’est pas nécessairement l’objectif d’une évaluation fondée sur la théorie. En effet, comme dans l’exemple présenté ici, l’idée est d’en arriver à un accord (entre les évaluateurs et l’organisme) sur la logique inhérente à la démarche qui est évaluée. Une fois le modèle d’impact de la SPS défini, restait néanmoins la difficulté d’expliquer comment l’AQPS s’y prenait, de façon plus ou moins explicite, pour provoquer les changements attendus. Certes, l’AQPS avait développé une grande expertise dans le domaine, mais cette expertise s’expliquait mal à l’intérieur d’un cadre théorique. Or, ce sont les concepts issus du marketing social qui ont permis de préciser la démarche de l’AQPS et, finalement, de l’améliorer. Figure 2.2 Le modèle de l’action raisonnée d’Ajzen et Fishbein (1980) Variables exogènes : Traits de personnalité Situations Caractéristiques sociod émographiques CROYANCES quant au résultat Valeur du résultat attendu CROYANCES normatives Motivation à s’y conformer ATTITUDE INTENTION NORMES SUBJECTIVES C OMPORTEMENT Variables exogènes : NORMES SUBJECTIVES C OMPORTEMENT Traits de personnalité [3.14.83.223] Project MUSE (2024-04-26 13:36 GMT) L’importance de l’évaluation fondée sur la théorie en suicidologie • 37© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés Dérivéedumarketingtraditionneldesproduitsetservices,l’expression«marketing social» renvoie à un processus planifié visant à susciter le changement . Ce processus est composé d’éléments issus de la recherche commerciale et de consommation, de la publicité et de la promotion. On y spécifie ainsi le positionnement, la segmentation des marchés, la stratégie créative, la conception et l’évaluation du message, la stratégie et la planification médiatique , de même que le suivi réel (Santé Canada, 2001). Plus précisément, on y utilise le modèle dit des «quatre p», soit le produit, le prix, la promotion et la place, pour bien préciser les techniques de marketing nécessaires dans une démarche de transmission sociale d’un message (Kotler et Andreasen, 1996). Ce modèle peut représenter, finalement, celui suivi lors de la SPS. Globalement, la théorie du programme appliquée à la SPS, tant pour le processus que pour l’impact, s’énoncerait alors ainsi : « Changer les connaissances, les attitudes et les intentions des hommes (dans l’espace d’une semaine de prévention qui se répète annuellement), en utilisant des techniques de marketing et des activités de mobilisation, amènera plus d’hommes à exprimer leur souffrance, à demander de l’aide et à avoir moins de comportements suicidaires.» On le voit, une telle théorie peut alors servir l’action, mais elle peut aussi, éventuellement, être raffinée. La théorie reste valide tant que nous poursuivons les mêmes objectifs, mais elle doit être réajustée dans le cas contraire. Figure 2.3 Modèle de l’impact de la Semaine de prévention du suicide PROXIMAL DISTAL  Comportements de demande d’aide -– exprimer sa souffrance -– demander de l’aide  Comportements suicidaires  Connaissances  Attitudes  Intentions 38 • Évaluation de programmes en prévention du suicide© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés Conclusion Un peu au désespoir des grands planificateurs de notre société, mais aussi des évaluateurs de programmes, il faut admettre que la création de plusieurs programmes d’intervention vient surtout de la bonne volonté des citoyens etdespressionssocialesquis’exercentdediversesfaçons.Or,danscechapitre, nousinsistonsplutôtsurlanécessitédedéfinirrationnellementlesproblèmes, les besoins et les solutions à mettre en œuvre, et d’évaluer les programmes en se fondant essentiellement sur les théories qui les sous-tendent. Faut-il s’en étonner ou même s’en désoler, notre société n’est pas que rationnelle! Ainsi, lorsque le besoin d’évaluer ces programmes se fait sentir, on s’intéresse surtout à leur efficacité présumée ou à des problèmes spécifiques de fonctionnement, en laissant de côté leurs fondements théoriques qui ne sont, au mieux, qu’implicites. Par exemple, pour ce qui est des programmes de prévention du suicide chez les jeunes Canadiens, les modèles théoriques des conduites suicidaires et du programme ne sont pas explicités, du moins dans les rapports de recherche publiés (Breton et al., 1998). C’est peut-être ce qui expliquerait, en partie, que les résultats observ és en prévention du suicide soient encore très décevants. En effet, malgré certaines preuves d’efficacité, nous n’avons pas vraiment noté de diminution importante des taux de suicide depuis l’application de programmes de prévention (Goldney, 1998). Nous avons tendance à reproduire les mêmes façons de faire de la prévention, d’autant plus que nos moyens d’action sont fortement inspirés de nos répertoires professionnels respectifs. Là-dessus, la psychologie communautaire est relativement ouverte à différents niveaux d’intervention (voir, par exemple, les cinq niveaux systémiques définis par Bronfenbrenner, 1979). Mais un constat demeure: la majorité des programmes utilisent plus ou moins un mélange d’interventions cliniques (counselling, thérapie, médication) ou éducationnelles. La présomption fondamentale est alors que les personnes ciblées vont changer leurs comportements problématiques si elles reçoivent de l’information et du support interpersonnel (Rossi et al., 1999). Une telle présomption n’est pas mauvaise en soi et constitue déjà une forme de modélisation de l’action. Néanmoins, compte tenu des résultats décevants évoqués plus haut, permettons-nous de remettre en cause ou de raffiner, sinon cette présomption fondamentale, du moins la façon d’en tirer une pratique. Or, c’est précisément ce à quoi peut s’attaquer une évaluation fondée sur la théorie. Dans le meilleur des cas, cela pourrait favoriser justement l’élargissement des répertoires d’interventions, comme ce fut le cas lors de l’évaluation de la Semaine de prévention du suicide. En effet, lors de cet exercice, tant les évaluateurs que les gestionnaires et les intervenants ont vite buté sur les limites de leurs expertises respectives. Ils L’importance de l’évaluation fondée sur la théorie en suicidologie • 39© 2004 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.ca Tiré de : Évaluation de programmes en prévention du suicide, F. Chagnon et B.L. Mishara (dir.), ISBN 2-7605-1282-7 • D1282N Tous droits de reproduction, de traduction et d’adaptation réservés ont alors dû recourir à des outils moins traditionnels dans le domaine, soit ceux du marketing social. Tous les changements sociaux, sinon les progrès sociaux, ne passent pas nécessairement par de grands changements de paradigme. Néanmoins, soutenues par un regard externe, certaines remises en question théoriques contribueront à faire avancer la cause de la prévention du suicide. Bibliographie Ajzen, I. (1988). 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