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© 2003 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.uquebec.ca Tiré de : Le territoire pensé, Sous la direction de Frédéric Lasserre et Aline Lechaume, ISBN 2-7605-1224-X CHAPITRE LE DISCOURS DE L’ÉTAT TUNISIEN SUR L’IDENTITÉ DE LA NATION UNE CONSTRUCTION CULTURELLE ANCRÉE SUR LE TERRITOIRE Sonia Jedidi Géographe et chercheure Centre de recherches et d’analyses géopolitiques Université Paris VIII 7 Les réflexions sur l’évolution historique de la nation tunisienne et de ses progrès ont pris une importance centrale au cours de ces dernièr es années en Tunisie. En effet, depuis la concrétisation de la menace islamiste après les élections législatives d’avril 1989, l’État tunisien a développé un discours visant à r enforcer les fondements de la nation tunisienne. Discours que le mouvement islamiste, appar u dans les années 1980, remet en cause à travers ses r evendications, au profit de l’idée d’ umma, c’est-à-dire la nation islamique. Les islamistes ne r econnaissent guère la nation tunisienne qu’ils perçoivent comme une création coloniale ex-nihilo. Pour contrer cette représentation, le gouvernement a mis l’accent sur la valorisation du patrimoine historique de la Tunisie en remontant jusqu’à Carthage. Cette position des autorités tunisiennes est d’autant plus impor tante que la division de l’Empir e ottoman en de multiples États-nations a souvent été présentée, notamment par les bâathistes et les islamistes, comme le résultat de la volonté impérialiste des puissances colonisatrices 120 Le territoire pensé© 2003 – Presses de l’Université du Québec Édifice Le Delta I, 2875, boul. Laurier, bureau 450, Sainte-Foy, Québec G1V 2M2 • Tél. : (418) 657-4399 – www.puq.uquebec.ca Tiré de : Le territoire pensé, Sous la direction de Frédéric Lasserre et Aline Lechaume, ISBN 2-7605-1224-X de diviser le monde musulman, en y traçant des fr ontières entre les diff érents États vassaux pour mieux les contrôler . Selon les nationalistes arabes, si les colonisateurs n’étaient pas intervenus, l’uniformité linguistique et les similitudes cultur elles largement influencées par la civilisation islamique auraient permis la constitution d’une grande nation arabe, regroupant les dif férents peuples arabes. Les islamistes, quant à eux, défendent l’idée que, sans la colonisation, l’uniformité r eligieuse aurait permis une unité politique du monde musulman, r efusant de fait toute légitimité aux États-nations qui composent l’ensemble musulman. La division en États-nations du monde musulman est donc généralement attribuée, par les islamistes comme par les panarabistes, à la présence des colonisateurs qui auraient permis aux autochtones de découvrir les régimes politiques européens. D’après les islamistes, les leaders nationalistes n’auraient fait que s’appr oprier le modèle colonial de l’État-nation, passant ainsi sous silence l’héritage des réformateurs de la fin du XIXe siècle qui en avaient posé les fondations. Pour contrecarrer cette représentation, le président Ben Ali, qui se pose en continuateur du président Bour guiba, va d’une part cher cher à démontrer que l’idée de nation s’est constr uite progressivement depuis l’Antiquité. Et, d’autre part, il va s’attacher à montr er dans ses discours que l’État tunisien préserve le patrimoine arabo-musulman dont il se pose en unique garant. À cette fin, le gouvernement joue dans ses discours sur les r eprésentations. Il valorise les référ ences aux dif férentes civilisations que la Tunisie a connues dans son passé et souligne ainsi la spécificité de celle-ci. Jadis païenne puis également chrétienne, juive et musulmane, la Tunisie est à présent une terr e ouverte sur les échanges et attachée à la tolérance. Il en est pour pr euve son histoir e depuis Carthage, ses populations aux origines diverses et sa position géographique particulière. Ce discours lui permet de mettr e l’accent sur deux idées essentielles. D’une part, de souligner la richesse du patrimoine culturel tunisien et d’ancrer l’identité de la nation sur des temps historiquement longs, dont la période arabo...

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