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C H A C H A P I T R E 10 Le développement paradoxal de l’alternance au Québec Un point de vue macrosocial1 Pierre Doray Université du Québec à Montréal (doray.pierre@uqam.ca) Bernard Fusulier Université catholique de Louvain (fusulier@anso.ucl.ac.be) RÉSUMÉ L’objectif de ce chapitre est d’examiner l’institutionnalisation d’une forme de rapprochement entre économie et éducation : la formation en alternance. S’intéressant aux cadrages institutionnels de l’alternance et à sa diffusion dans le système éducatif, notre analyse décrit ce processus au niveau macrosocial. Globalement , son développement est caractérisé par un paradoxe. D’une part, l’alternance s’inscrit dans un mouvement de transformation des politiques éducatives orienté vers un rapprochement entre le champ de l’éducation et celui de l’économie. Elle est investie d’une forte signification symbolique. D’autre part, elle a connu une inscription administrative incertaine et relativement restreinte. En ce sens, nous pouvons parler d’une institutionnalisation inachevée. 1. Ce chapitre n’aurait pas été réalisé sans les contributions financières de l’entente de coopération internationale établie entre le gouvernement du Québec et la Communauté française de Belgique et d’une subvention du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Les auteurs remercient M. Gildas Gauthier de la Direction générale de la formation professionnelle (DGFP) du ministère de l’Éducation pour son aide. [3.137.221.163] Project MUSE (2024-04-26 14:26 GMT) Le développement paradoxal de l’alternance au Québec 277 L’analyse des politiques éducatives récentes du Québec permet de dégager une ligne de conduite stratégique forte, soit le rapprochement entre le champ de l’éducation et celui du travail. C’est le moyen pour assurer le développement de la formation professionnelle et technique et lui assurer une légitimit é mise à mal par de nombreux acteurs sociaux et économiques. Ainsi, des relations plus étroites entre les deux mondes assureraient une meilleure adéquation des pratiques éducatives avec les besoins économiques. Le rapport Pagé (1995), par exemple, proposait la construction de partenariats entre le monde du travail et celui de l’éducation. Cette proposition visait le renouvellement de la formation professionnelle. Concrètement, le rapport soutient la mise en place de formations diversifiées qui favorisent, notamment , l’alternance et l’apprentissage (Pagé, 1995). Ces orientations sont confirmées, en 1997, dans la politique de développement de la formation professionnelle (Marois, 1997). En fait, la recherche de rapprochement entre éducation et travail est antérieure à cette politique qui poursuit un mouvement amorcé depuis près de vingt ans et qui reconfigure le cadre institutionnel et organisationnel régissant la formation professionnelle et technique. Notre objectif est d’examiner l’institutionnalisation d’une forme de rapprochement, la formation en alternance. Cette formule pédagogique selon laquelle les élèves alternent, selon des modalités diverses, entre des périodes d’études dans un établissement scolaire et des stages en entreprise rapproche les deux mondes par une implication directe des entreprises dans la formation. Notre analyse se limite essentiellement au plan macrosocial s’intéressant aux cadrages institutionnels de l’alternance et à sa diffusion dans le système éducatif. Nous sommes tout à fait conscients que, ce faisant , nous n’examinons qu’une partie du processus d’institutionnalisation, car la mise en œuvre locale de la formule nous échappe. Cette analyse « macro» emprunte différentes voies. Dans un premier temps, nous présentons le développement du système éducatif et nous constatons un processus de scolarisation, c’est-à-dire une croissance absolue et relative de la formation générale et une dévalorisation de la formation professionnelle. Les politiques récentes de valorisation de la formation professionnelle ont justement cherché à rompre avec cet état de fait, dont on peut dire que la réforme éducative des années 1960 est un point charnière2. La 2. La scolarisation de la formation professionnelle et technique est un processus historique que plusieurs pays développés ont connu. Le Québec ne fait donc pas exception. Le coup de barre dans cette direction a été donné à l’occasion de l’importante réforme de l’éducation qui a créé les écoles polyvalentes et les collèges d’enseignement général et professionnel (cégeps). Cette période est aussi un moment de transformation des aspirations scolaires alors...

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