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L’emploi comme mode privilégié de répartition de la richesse : le cas de l’économie sociale Marguerite Mendelll Cela a été un grand privilège d’avoir été invitée à participer à ce colloque en l’honneur de Lise Poulin-Simon. J’ai accepté avec autant de plaisir que de tristesse ; Lise était une très grande amie de longue date et une collègue qui m’a beaucoup appris et avec qui j’avais des échanges importants et stimulants. On était toutes les deux les étudiantes de Jack Weldon à McGill, ainsi que Diane Bellemare, Ginette Dussault, Michel Payette, Gilles Dostaler, entre autres. On était très inspiré par Jack ; cela apparaît le plus clairement dans la vie professionnelle et politique de Lise, qui a lutté toute sa vie pour une sociald émocratie, pour des emplois et salaires stables et durables pour les travailleurs et travailleuses du Québec, pour la justice sociale. Son influence s’est répandue : le Forum pour l’emploi qu’elle a créé avec Diane Bellemare témoigne de l’ampleur de cette influence, qui a marqué le Québec par l’institutionnalisation d’un dialogue continuel entre les divers partenaires socioéconomiques. Lise croyait beaucoup au dialogue et au processus de négociation, mais ses valeurs fondamentales, le droit au travail, notamment, n’étaient pas négociable. Je suis convaincue que si elle était encore avec nous, elle s’élèverait avec toute sa force, sa vitalité et son intelligence contre l’abandon de cet objectif ; elle contesterait l’argument de la fin de l’emploi avec passion, mais une passion basée à la fois sur son engagement social et sur sa capacité de rendre absurde cette hypothèse qui ne représente qu’un abandon de la volonté politique. Lise ferait valoir une stratégie de l’emploi qui tiendrait compte des grandes transformations socio- économiques de nos sociétés actuelles avec la vigueur et la rigueur théorique qui la caractérisaient. J’écris ce texte dans l’esprit de Lise Poulin-Simon pour situer la nouvelle économie sociale dans les débats sur l’emploi, mais aussi pour contester les nouveaux dogmes qui renforcent une politique fataliste fondée sur l’hypothèse de l’inévitabilité. Pour Lise, rien n’était inévitable. 1. Professeure à la School of Community and Public Affairs, Université Concordia, Montréal. 146 Objectif plein emploi LE PORTRAIT DE L’EMPLOI ACTUEL : UNE NOUVELLE PAUVRETÉ MARCHANDE Commençons avec quelques constats. Le Conseil canadien du développement social a publié un rapport qui analyse l’impact de la disparition de 121 000 emplois dans le secteur public entre 1992 et 1996 et sur la qualité des nouveaux emplois qui émergent à l’heure actuelle. Plusieurs ont interprété cette situation comme transitoire, temporaire, une conclusion qui ignore les changements dramatiques accompagnant cette transition. L’objet de ce rapport est le suivant : les emplois payants, stables et plus souvent syndiqués dans le secteur public, sont remplacés par des emplois faiblement rémunérés et précaires, particulièrement parmi les travailleurs autonomes, et particulièrement parmi les femmes, les jeunes et ceux et celles de 40 ans et plus qui ne peuvent facilement se recycler dans l’économie actuelle. Donc, l’analyse de la qualité des quelque 700 000 nouveaux emplois dans le secteur privé et des 266 000 travailleurs autonomes qui ont émergé dans cette même période, entre 1992-1996, sont les sujets de leur enquête (Conseil canadien du développement social, 1997). Je présente d’abord ces constats, parce qu’ils sont représentatifs des changements dramatiques qui se produisent dans tous les secteurs socio-économiques en transition et en restructuration. En fait, la situation du secteur public est marquée par des congédiements massifs dont l’ampleur des répercussions n’est pas encore connue. On a déjà vécu plusieurs années de pertes emplois dans le secteur manufacturier , remplacés partiellement et inadéquatement, à plusieurs égards, par des emplois souvent précaires dans le secteur des services. Le pourcentage des emplois à plein temps au Québec en 1996 était 68,2 % en comparaison avec 80,7 % en 1976 ; trois quarts de ces emplois se trouvent dans le secteur des services. Le nombre des emplois à temps partiel est passé de 230 000 en 1976 à 570 000 en 1995 ; 40 % de ceux et celles qui travaillent à temps partiel n’ont pas d’autre...

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