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L ’atteinte de la solvabilité actuarielle représente un tournant important pour l’Union Saint-Joseph du Canada. Pour la première fois de son histoire, elle ne comptait plus sur le recrutement perpétuel pour assurer sa stabilité financière. Ses dirigeants pouvaient dorénavant se concentrer sur la lutte nationale et le recrutement de Canadiens français, plutôt que de chercher à économiser ici et là afin de combler l’écart important entre les cotisations des membres et les indemnités remises aux veuves. Une nouvelle propagande put ainsi être établie sur la base de la solvabilité actuarielle de 100 %, mettant fin aux critiques des agents d’assurances et d’autres organisations mutuelles, qui accusaient l’Union Saint-Joseph d’être insolvable. De plus, l’Union Saint-Joseph cessa d’être à la merci des cycles économiques. C’est sans difficulté qu’elle put survivre à l’épidémie d’influenza ainsi qu’à la crise économique des années 1930, grâce à une réserve suffisante pour parer à ce genre de situation. En cinquante-cinq ans, l’Union Saint-Joseph d’Ottawa était passée d’une petite société de secours mutuels locale, financièrement instable, à une grande société fraternelle fonctionnant selon des normes actuarielles inspirées des compagnies d’assurances. Au départ, le projet de fonder une association de prévoyance à Ottawa, en 1863, visait à offrir une forme de sécurité sociale pour contrer les effets du libéralisme, comme l’explique Martin Petitclerc. Sauf que cette mutuelle, inspirée des méthodes de prévoyance du Québec, subit rapidement l’influence du contexte minoritaire des Canadiens français d’Ottawa. Sans déroger à son idéal d’entraide et de bienfaisance hérité des mutualistes québécois, l’Union Saint-Joseph d’Ottawa s’inscrivit, dès sa fondation, dans un réseau institutionnel local voué à la survie de la culture canadienneConclusion 166 « L’UNION FAIT LA FORCE ! » : L’UNION SAINT-JOSEPH D’OTTAWA / DU CANADA française. Par la suite, ses relations se prolongèrent avec les autres associations locales à mesure que de nouvelles sociétés de secours mutuels furent fondées. Au cours des années 1880, le prolongement de ces liens avec les mutuelles québécoises accentua ce réseau institutionnel informel, ce qui se traduisit par de nombreux grands rassemblements et la participation à un mouvement canadien-français qui demeurait à l’époque encore mal défini. En ce qui a trait aux mutations de sa structure administrative, elles eurent pour origine l’échec du modèle mutualiste de première génération, qui amena l’association à revoir ses méthodes de gestion. La popularité des sociétés fraternelles représentait une menace pour les petites associations locales et créaient un climat de compétition néfaste pour ces dernières, car elles devaient constamment recruter de nouveaux aspirants. Les difficultés économiques de la fin du xixe siècle contribuèrent à accentuer cette crise. Dans le cas de l’Union Saint-Joseph d’Ottawa, ce fut la situation sociopolitique des Canadiens français d’Ottawa qui influença sa destinée au moment où elle tenta d’éviter la faillite. Le statut minoritaire de ces derniers et les mutations de l’identité de l’association depuis sa fondation favorisèrent des transformations administratives et idéologiques axées sur l’appartenance nationale et religieuse. Les valeurs de l’élite émergente lors des réformes de la décennie 1890, très près des idées ultramontaines, ouvrirent la voie au changement non seulement de la structure, mais également du message social de l’association. La transition administrative de l’Union Saint-Joseph est sensiblement la même que celle présentée par Albert Meister lorsqu’il décrit les différents stades de la participation dans les associations coopératives. L’adaptation aux situations quotidiennes, entre autres, à la concurrence, amène généralement un glissement du pouvoir décisionnel des mains des sociétaires à celles d’une élite dirigeante, diminuant ainsi la participation directe au sein de ces organisations1 . C’est ce qui se produisit au sein de l’Union Saint-Joseph. La complexification de la gestion durant les années 1890 et le besoin de certaines compétences pour résoudre la crise contribuèrent à éloigner les simples sociétaires du processus de réforme. 1 Albert Meister, La participation dans les associations, Paris, Les Éditions ouvrières, 1974, p...

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