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INTRODUCTION Le sport organisé a émergé au Canada au XIXe siècle1 et, dès la Confédération en 1867, il servait à la fois d’outil patriotique pour la construction d’une identité emblématique de la nation canadienne naissante, mais aussi, paradoxalement, de stratégie pour assurer le maintien des identités culturelles minoritaires. En effet, dès le début des années 1860, des professionnels et commerçants anglo-saxons, les militaires et les gouvernements du nouvel État fédéral déployaient des efforts dans la promotion de compétitions nationales et internationales de tir à la carabine et de crosse pour faire valoir l’identité canadienne et ainsi se distinguer du régime impérial britannique2 . Ces initiatives sportives représentaient des éléments fondamentaux de la formation de l’État canadien en affirmant une conscience populaire patriotique et en consolidant la place du Canada dans le commerce international, les activités militaires et les relations diplomatiques. À la même époque, les jeux écossais, mieux connus sous le vocable anglais Highland Games connaissaient un succès étonnant, de l’île du Cap-Breton à l’île de Vancouver3 . En effet, des associations écossaises de partout au pays organisaient des festivals visant à transmettre et à Chapitre 16 le sport et la reproduction des identités nationales et minoritaires au canada Christine Dallaire préserver leurs traditions culturelles par l’entremise de compétitions athlétiques (épreuves de force, courses et athlétisme) et de concours de cornemuse, de danse et de costumes historiques. Ces jeux attiraient des foules ainsi que des athlètes écossais de partout au Canada, des États-Unis et même des compétiteurs notoires de l’Écosse. La réussite et la popularité de ces jeux durant la seconde moitié du XIXe siècle tiennent du fait que les communautés écossaises célébraient des coutumes typiques de leur culture. C’est justement l’authenticité des jeux écossais d’Antigonish de même que leur rôle de reproduction ethnique, ayant suscité une forte implication communautaire, qui expliquent leur succès durable et leur longévité4 . Tenus pour la première fois en 1863, ils représentent l’événement sportif annuel continu le plus vieux du pays. Depuis, divers groupes et gouvernements se sont tournés vers le sport pour promouvoir l’identité canadienne et l’unité nationale, alors qu’au Québec, le gouvernement du Parti québécois a investi le sport d’élite pour nourrir le nationalisme québécois durant les années 19705 , au même moment où les Premières Nations et les Inuit se sont dotés de compétitions sportives pour transmettre leurs traditions ou consolider les alliances entre autochtones6 . D’autres communautés culturelles 236 Introduction aux études canadiennes pour leur part ont créé des clubs sportifs et des jeux multisports pour préserver leur héritage ethnique7 . Le sport devient donc un lieu où les valeurs de la communauté nationale ou minoritaire sont exprimées et contestées, de même qu’un lieu où les individus et les groupes deviennent des acteurs dans la reproduction de leur propre identité culturelle. Cette identité culturelle, qu’elle soit nationale ou minoritaire, est une construction sociale fondée sur des croyances qui donnent un sens aux comportements associés aux spécificités culturelles. Elle est ainsi performative, car elle se constitue et se reproduit par les pratiques culturelles, c’est- à-dire qu’elle se vit, s’affiche et se confirme par la répétition de ces actions et pratiques culturelles qui la définissent. Par exemple, la définition de l’identité canadienne mise de l’avant à la fin du XIXe siècle valorisait la géographie et le climat du pays ainsi que la rusticité de ses habitants, qualités attribuées aux « premiers » peuples du Canada, les peuples autochtones, et ensuite aux Canadiens français8 . Dans ce contexte, la pratique de la raquette à neige, activité qui a atteint l’apogée de sa popularité auprès des hommes de l’élite anglophone urbaine durant les années 1870 et 1880, était conçue comme un sport d’hiver distinctivement canadien. En s’appropriant ce mode de transport indigène repris par les voyageurs, coureurs des bois, colons et soldats de la Nouvelle-France, et en le transformant en activité sportive, les raquetteurs, descendants des colonisateurs britanniques de Montréal, s’associaient à ceux que l’on considérait à cette époque...

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