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149. O. Therkildsen, 2005, op. cit., p. 36. 150. A. Pitcher, M.H. Moran and M. Johnston, “Rethinking Patrimonialism and Neopatrimonialism in Africa”, African Studies Review, 52(1), 2009, p. 150. 151. Ibid., p. 134 152. L.J. de Haan, “Perspectives on African Studies and Development in Sub-Saharan Africa”, Africa Spectrum, 45(1), 2010, p. 108-109. Nombre de travaux sur le néopatrimonialisme en Afrique, y compris l’œuvre pionnière de Jean-François Médard1, ont d’abord mis l’accent sur les structures de l’État « importé »2 et d’une société civile captive, telles que façonnées par l’ère coloniale. Ils ont souligné par exemple le rôle de la parenté et la manipulation de l’ethnicité, en tentant d’expliquer les variations du phénomène observables empiriquement par les trajectoires historiques des différents pays3. Toutefois, l’étude comparative des néopatrimonialismes africains ne peut faire l’économie d’une analyse du poids spécifique des leaders et du style de leadership4. De ce rôle central de certains acteurs sociaux dans la dynamique politique des systèmes néopatrimoniaux, J.-F. Médard a eu également l’intuition. À partir d’une analyse fine de la trajectoire personnelle du politicien et homme d’affaires kenyan Charles Njonjo5, le politiste bordelais forge la notion de big man africain et analyse la carrière de ce « politicien entrepreneur »6, en s’inspirant à la fois de théorie sociologique de l’échange social et politique, des analyses anthropologiques du big man mélanésien7, et d’un article précurseur de Jean-Patrice Lacam sur le politicien investisseur en France8. Par delà les différences observées entre les époques et les latitudes, le concept d’entrepreneur politique subsume des stratégies de conquête et de conservation du pouvoir profondément similaires, établissant un lien fonctionnel entre l’acteur politique et le contexte néopatrimonial d’interaction. À rebours d’un évolutionnisme ethnocentrique qui voudrait III Le modèle de l’entrepreneur politique Daniel Compagnon [3.145.111.183] Project MUSE (2024-04-26 02:24 GMT) 80 L’ÉTAT NÉOPATRIMONIAL n’y voir qu’une forme moderne et par là même cantonnée aux « marchés politiques » plus aboutis, que seraient les démocraties occidentales, l’entreprise politique relève de l’histoire longue et du comparatisme le plus large. Notre démarche s’efforce ici d’être fidèle à l’esprit éclectique d’un chercheur qui transgressait les tabous intellectuels et pratiquait la comparaison en restant attentif à la variance culturelle des sociétés, mais aux antipodes du culturalisme. Après avoir souligné la validité potentiellement universelle du concept d’entrepreneur et d’entreprise politique, à travers un bref rappel de la genèse intellectuelle de cette approche, nous entendons souligner son caractère heuristique pour l’intelligibilité des systèmes politiques africains. UN CONCEPT CLÉ C’est Max Weber qui, dans sa célèbre conférence Politik als Beruf 9 a le premier souligné les spécificités d’une activité tendue vers la conquête du pouvoir, quelles qu’en soient les motivations, idéales ou égoïstes, y compris le désir « de jouir du sentiment de prestige qu’il confère »10 . Ainsi était mise en évidence l’existence d’une catégorie d’acteurs vivant de la politique et non pour elle, et pour lesquels cette activité constitue une source permanente de revenus. L’entrepreneur politique est charismatique en tant qu’il suscite et entretient la confiance (la foi en sa personne) de ses partisans par sa capacité de rétribution11 , notamment à travers un système de « dépouilles » plus ou moins officialisé et le contrôle clientéliste des emplois publics. Il est perpétuellement à la recherche de ressources, et la conquête du pouvoir, d’objectif, se mue aisément en moyen d’accéder aux prébendes, de façon à rémunérer ses partisans et concourir à la reproduction de ce pouvoir. Dans ce contexte, comme note déjà Max Weber, la corruption n’est qu’une forme « dénaturée, irrégulière et formellement illégale »12 de rémunération de l’activité politique. D’où l’intérêt porté par cet auteur au boss de la machine partisane locale aux États-Unis du début du xxe siècle. Cet « entrepreneur politique capitaliste » (dixit) investit ses ressources (issues soit d’une activité économique soit de...

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