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Après la guerre, quel jugement choisir? Entre justice internationale et justice traditionnelle en Afrique Modeste Mba Talla We have to understand our culture and know what kind of people we are. Are we the kind that are willing to accept other people’s mistakes without pointing fingers? Are we the kind of people who can confess truthfully and forgive wholeheartedly? – Paramount Chief, David Onen Acana III (Liu Institute, 2005, p. 1) La fin des années 1980 et celle des années 1990 ont été marquées en Afrique par une montée exponentielle de nouvelles formes de violence politique. Les guerres intra-étatiques, ou communément appelées guerres civiles, menées pour la plupart par des mouvements armés très souvent sans foi ni loi. Ces groupes politico-militaires, acteurs de l’insécurité, vont à travers des actes délictueux et des crimes odieux susciter un énorme émoi dans le monde. Ils récusent par les armes l’autorité du pouvoir et de surcroît, agressent dans leurs fondements les plus régaliens, les États-nations. Ils foulent au pied, à l’instar des États qu’ils prétendent combattre, tous les principes édictés par le droit international humanitaire1 . D’ailleurs, pendant longtemps, la communauté internationale est restée impuissante et moins regardante face aux crimes commis autant par certains États que les mouvements rebelles. Ceci d’autant plus que le vacuum dans la gestion des guerres civiles pose de redoutables défis aux organisations internationales. Toutefois, depuis quelques années les E p r e u v e s instances internationales semblent avoir sifflé la fin de la recréation: celle de l’impunité. Mais aussi les pays ayant vécu ces drames veulent sortir de ce sempiternel cycle de violence et de crimes. C’est dans ce cadre que s’inscrit la justice transitionnelle qui, petit à petit, prend non seulement forme, mais aussi sens dans les cas de pays tels que le Rwanda, le Burundi, la Sierra Leone, l’Ouganda ou encore la République démocratique du Congo. Dans la perspective du débat sur la paix, la justice et la réconciliation, cette justice transitionnelle allie de plus en plus la forme dite « internationale » à la « traditionnelle ». Néanmoins, il faut noter que si de nombreux espoirs accompagnent l’émergence de cette exigence éthique, il reste à constater qu’elle suscite aussi une kyrielle d’interrogations toutes légitimes. L’une des principales interrogations que suscite cette justice transitionnelle est le dilemme qui se pose lorsque l’on tente dans un processus de paix, de justice et de réconciliation d’allier à tout prix la justice internationale à celle dite traditionnelle. Mais dans cet article, je vais plus particulièrement, à la lumière des cas du Burundi (avec le« Bushingantahe »), de la Sierra Leone (avec les « chefferies traditionnelles ») et de l’Ouganda (avec « les instruments traditionnels de la justice du peuple Acholi »), sans que cela ne soit une analyse comparative, montrer que la justice traditionnelle dans un contexte suivant un conflit, peut permettre de réconcilier les populations d’un pays qui ont vécu des cycles de violence inouïe marqués par des crimes et des tragédies. Mais aussi que dans certains cas cette réconciliation ne peut être que partielle et donc essentiellement fragile; parce qu’incapable de reconstruire une sociabilité commune du fait des soupçons inhérents portés contre la légitimité de cette justice. 78 Modeste Mba Talla [18.223.134.29] Project MUSE (2024-04-26 11:12 GMT) E p r e u v e s Le Burundi meurtri à l’épreuve du« Bushingantahe » La politologue Hannah Arendt, dont les drames du totalitarisme et de la Shoah ont influencé la pensée, affirmait: « Tout ce que nous savons, c’est que nous ne pouvons ni punir ni pardonner ces crimes et que par conséquent, elles transcendent le domaine des affaires humaines et le potentiel du pouvoir humain qu’elles détruisent tous deux radicalement partout où elles font leur apparition2 . » Si les procès qui ont suivi ces crimes que« nous ne pouvons ni punir ni pardonner » peuvent être perçus comme étant à la fois indispensables et impossibles, on peut tout de même noter que de nombreux obstacles se sont dressés sur le chemin de la réalisation d’un idéal éthique national et international. Toutefois, on peut noter ces dernières années qu’il y a eu des avancées...

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