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50 entre lieux et mémoire un groupe composite, ouvert sur le monde. inscrits dans le grand mouvement d’émancipation des nationalités, les patriotes ont, toujours selon la motion déposée à l’assemblée nationale, participé à la tradition civique qui était celle du bas-canada et qui est encore aujourd’hui la nôtre. selon une telle perspective, le nationalisme à portée civique n’est donc pas une invention récente : il se situe dans la fibre nationale même du peuple québécois. dans cette optique, il n’est nullement question de mémoire honteuse ou de repli identitaire ; le regard porté sur l’histoire est exempt de « mauvaise conscience ». pour reprendre les propos de bernard landry, « être une société civique, c’est pratiquement génétique pour les Québécois ! » (ibid.) Que ceux qui en doutent se détrompent : il n’est pas question ici d’un quelconque épisode de notre histoire qui eût connu un nationalisme porteur d’un substrat ethnicisant. l’ouverture à l’altérité, le respect des appartenances, les principes de la citoyenneté libérale sont, selon cette perspective, aujourd’hui considérés comme un héritage mémoriel qui va de soi. c’est du moins ce qu’on cherche à nous « rappeler », pour ne pas dire à nous inculquer, par le biais d’un mouvement comme celui des patriotes. si certains ont reproché au nationalisme civique de définir le projet démocratique en dehors de la mémoire, la réactualisation du canada français dans l’aventure des patriotes permet au parti québécois de mobiliser une mémoire québécoise dans son projet politique. face à des interrogations qui évoquent l’idée d’une « histoire en trop5» de la subjectivité franco-québécoise dans la dynamique politique actuelle, eh bien, on pourrait pratiquement dire que ces questions ne se posent plus dans ce cas. nul besoin, en effet, d’évacuer le communautarisme, puisque, selon la conception péquiste, les idéaux de la citoyenneté libérale sont au cœur même de l’aventure canadienne-française. plutôt que de nier la pertinence de l’histoire du canada français ou de la concevoir en termes de rupture, la mise en récit de la commémoration des patriotes nous offre la possibilité de nous penser en fonction de la continuité. le projet souverainiste peut ainsi s’inscrire dans une mémoire tout en se projetant dans l’avenir grâce à son projet national qui, d’une certaine façon, cherche à achever la lutte entreprise par les patriotes pour l’indépendance nationale. autrement, pourquoi mythifier ce qui, à certains égards, paraît un échec, si ce n’est pour inscrire les Québécois et Québécoises dans la continuité du projet amorcé par les patriotes ? la commémoration des patriotes 51 un usage sociopolitique du récit national peut-on dire, ou doit-on en déduire, que lorsque le phénomène commémoratif est issu d’une valorisation et d’une mise en forme du politique, nous avons affaire à une mémoire manipulée, du moins dans sa légitimité institutionnelle? pourquoi sinon, à l’heure où le Québec fait face à une tension entre sa mémoire collective et sa volonté d’ouverture pour penser le projet national, retrouve-t-on, à point nommé, un mythe« tombé du ciel » dans ce qu’il offre de rassembleur ? dès lors, en effet, la nation se définit par une aventure commune. une fois de plus, citons bernard landry, dont la perspective sur cette question est éloquente : celui qui vient ici assume tout. le passé, le présent et l’avenir. de ce point de vue là, l’aventure des patriotes est une belle aventure à montrer aux nouveaux arrivants. c’est plus facile de se joindre à luke mervil, qui a été patriote de l’année, à une cérémonie de commémoration de combattants pour l’indépendance nationale et la liberté, qu’à dollard, qui combattait […] les aborigènes. […] les patriotes ce n’était pas québéco-québécois, ni canadien-français, c’était universel (lapointe, 2006). manifestement, nous pouvons concevoir ici un ardent et ultime appel à la mémoire « citoyenne ». dans sa dimension collective, une telle commémoration évoque bien l’usage sociopolitique effectué par l’appropriation du passé. par la signification qu’on lui confère, la commémoration devient alors efficiente : elle...

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