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Processus de valorisation et reconnaissance d’un positionnement scientifique 147 Processus de valorisation et reconnaissance d’un positionnement scientifique Daniel Bart Université de Toulouse, France L e rôle de la reconnaissance professionnelle dans le développement et la régulation de l’activité scientifique a été mis en exergue par de nombreux auteurs à la suite des recherches de Merton (1973). Dans ces travaux, la reconnaissance professionnelle des enseignants-chercheurs est essentiellement obtenue par les pairs : elle consiste principalement à se voir attribuer la « propriété morale » sur des savoirs validés par la communauté. Ce mode de rétribution universitaire et symbolique favoriserait ainsi la création et la diffusion publique des savoirs, témoignant ainsi de l’importance du processus de légitimation qui caractérise la reconnaissance (voir l’introduction de Jorro dans cet ouvrage). Plus encore, ce système de « récompenses » renforcerait le respect des quatre normes constitutives de l’ethos professionnel défini par Merton : le communautarisme, l’universalisme, le désintéressement et le scepticisme organisé. Les observations de « la science en train de se faire » montrent cependant que les mécanismes décrits par la sociologie fonctionnaliste correspondent plus à des idéaux qu’à des pratiques effectives (Latour et Woolgar, 1988). De plus, l’évolution des conceptions épistémologiques conduit nombre de chercheurs à mettre en œuvre des recherches praxéologiques ou des recherches appliquées présumant d’une reconnaissance de l’intérêt et de la pertinence de leurs travaux par des acteurs des champs socioprofessionnels. En outre, l’activité des universitaires réclame des moyens et des institutions de production et de transmission des savoirs qui supposent également l’obtention d’une reconnaissance de leur légitimité extérieure au champ scientifique. C’est donc à partir d’une acception élargie du concept de reconnaissance au-delà du seul groupe des enseignants-chercheurs que cet article examine les processus d’accession à la reconnaissance professionnelle dans le champ universitaire français des sciences de l’éducation. À l’instar de Jorro (2006) qui montre comment l’évaluation d’écrits de stagiaires valorisant leurs savoirs et compétences peut conduire à une reconnaissance de leur professionnalité, cette contribution étudie les modes de reconnaissance générés par les pratiques de valorisation des travaux de recherche des enseignants-chercheurs. Après avoir explicité le cadre théorique et méthodologique de notre démarche de recherche1 , nous présenterons ensuite les analyses des données empiriques recueillies au cours d’une enquête concernant les pratiques déclarées de valorisation scientifique, sociale et pédagogique des universitaires. L’obtention de reconnaissance par des pratiques de valorisation des travaux de recherche Selon Latour et Woolgar (1988, p. 205), la poursuite d’un capital de reconnaissance par les universitaires s’inscrit dans le cadre de leurs stratégies de « redéploiement continuel de ressources accumulées » pour étendre leur « cycle de crédibilité » et perpétuer leurs activités. Dans cette perspective, la « rémunération symbolique » par les pairs représente une source majeure de « crédibilité » sous forme de « créditreconnaissance » (citations, publications, prix, récompenses) (Latour, 1995, p. 32). Mais l’obtention de la reconnaissance relève également des pratiques visant une rétribution matérielle (« crédit-argent » : bourses, postes, instruments, financements) de même que la poursuite de« crédit-crédibilité » qui désigne la notoriété scientifique des universitaires et de leurs énoncés ainsi que l’autorité qu’ils peuvent exercer dans les espaces décisionnels scolaires (par ex. comités de lecture, commissions nationales) (ibid., p. 34). Plus encore, cette approche met en exergue le fait que la production et la diffusion des faits scientifiques présupposent un maillage de ressources humaines, informationnelles, financières ou instrumentales. Or, ce maillage est sous-tendu par la propension des chercheurs à faire valoir et à « traduire » l’intérêt scientifique de leurs travaux en enjeux sociaux, culturels, technologiques ou économiques dans des réseaux sociotechniques. Le concept de « cycle de crédibilité » définit donc le processus par lequel les faits scientifiques sont transformés en reconnaissance symbolique (publications) qui est convertie en capitaux financiers (subventions, appels d’offre) qui permettent d’investir dans des équipements et du personnel et, de ce fait, de produire de nouvelles données, et donc de nouvelles sources de reconnaissance, etc. (Latour et Woolgar, 1988). 148 Daniel Bart [3.149.230.44] Project MUSE (2024-04-26 16:43 GMT) De plus, des évolutions r...

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