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Ma rencontre avec F I S H L BIMKO Sholem Shtern1 Traduit du yiddish par Pierre Anctil Université d'Ottawa Immigré à Montréal en 1927, Sholem Shtern est né à Tishvitz, en Pologne, en 1906, au sein d'une famille pratiquantune forme traditionnelle dejudaïsme. Avec ses frères Yaakov Zipper, Yisroel-Hersh Shtern et Yehiel Shtern, il a fortement influencé l'évolution des lettres yiddish canadiennes, notamment en matière de poésie yiddish et de critique littéraire de gauche. A la fin de sa vie, Sholem Shtern a fait paraître ses mémoires littéraires sous le titre Shrayber vos ikh hob gekent, memouarn ou eseyn [Les écrivains que j'ai connus, mémoires et essais] (Montréal, 1982), lesquelles décrivent, entre autres, ses rapports intimes avec plusieurs grandes personnalités de la vie littéraire yiddish américaine qui avaient l'habitude de le visiter à Montréal dans la période de l'entre-deux-guerres. Ce texte, tiré de ses mémoires et portant sur le dramaturge yiddish Fishl Bimko, comme lui natif de Pologne, relate comment étaient reçus à Montréal, au cours des années 1930, les auteurs venus de New York, et comment ces derniers réagissaient au milieu qui les accueillait. Je pris connaissance pour la première fois de l'œuvre dramatique de Fishl Bimko2 à travers sa pièce Ganovim [Les voleurs], qui avait été jouée par un groupe de jeunes hommes et de jeunes femmes dans mon shtetl natal, Tichvitz. Certains des comédiens qui avaient joué, au début des années 1920, dans cette représentation, menée par une troupe locale d'amateurs, n'en étaient pas moins très talentueux. Je me rappelle très bien, encore aujourd'hui, le monologue fait dans cette pièce par le personnage de Sheber (le sans le sou), qui étalait sesmalheurs partout autour de lui ... Lesbandits parlaient un dialecte bien à eux, qui les distinguait du commun et caractérisait leur métier. Le yiddish de ces brigands était dense et marqué par une familiarité qui lui donnait une couleur très locale plutôt charmante. L'intrigue était construite de telle manière qu'elle créait des tensions fortes sur scène et captivait l'auditoire. Ganovim connut un grand succès partout en Pologne. Fishl Bimko se gagna ainsi une notoriété d'un bout à l'autre du pays, particulièrement dans les grandes villes et les localités où habitaient beaucoup de Juifs. Sa réputation traversa même l'Atlantique et laissa une impression forte au théâtre d'art animé par Maurice Schwartz3 . Fishl Bimko ne se laissa pas influencer par cette gloire et resta un homme simple. La pièce Ganovim me porta d'autre part à prendre en pitié les gens qui appartenaient à ces milieux de petite rapine. J'en conçus aussi le désir de rencontrer un jour Bimko, qui, de toute évidence, possédait un don pour décrire les gens et leur milieu social. J'eus l'intuition qu'un jour sans doute le destin me permettrait de faire la connaissance de cet auteur. Malgré ses succès, Bimko vivait en Pologne dans des conditions matérielles sans cesse précaires, ce qui le décida finalement à immigrer aux États-Unis. Lors de mon arrivée au Canada, en 1927, je crus que peut-être la Bibliothèque publique juive de Montréal souhaiterait l'inviter pour prononcer une conférence. J'ignorais alors que Fishl Bimko ne comptait pas parmi les écrivains que l'élite intellectuelle de l'institution (pne hasofrim) considérait comme valables, et qui se trouvaient régulièrement sollicités à venir partager leurs pensées et leurs impressions avec le public montréalais. N'appartenaient pas non plus à cette catégorie d'hommes de lettres bien considérés le grand écrivain Moshe Leib Halpern4 (on l'invita une fois puis ce fut tout), ni l'auteur du poème épique Kentucky5 , Israël-Jacob Schwartz6 . Puisque ce dernier était venu à Montréal vendre ses ouvrages littéraires et ses traductions, on réussit tout de même à rassembler une vingtaine de personnes (a por minyonim) à la Bibliothèque publique juive. Schwartz put ainsi prendre la parole dans cette institution et lire des extraits de Kentucky. H. Leivick, Peretz Hirshbein, Josef Opatoshu et quelques autres encore passaient souvent dans la ville et il ne manquait pas d'admirateurs (khasidim) pour venir...

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