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 247  Chapitre 25 D’une industrie automobile à gouvernance centralisée à l’invention d’une chaîne de valeur de distribution de services de mobilité à gouvernance distribuée  Christian Navarre Les utopies d’aujourd’hui sont les réalités de demain —Victor Hugo Cet essai est plus qu’un exercice de style sur l’application, à la Gilles Paquet1 , de l’outillage de la théorie de la gouvernance à l’analyse de l’industrie automobile. Commencé dans les affres des figures imposées, ce travail s’est achevé dans la jubilation, celle du chercheur qui a mis la main sur des résultats inattendus, et ce, au moment où la hausse brutale du prix des carburants déclenche un processus délétère qui pourrait mener à l’implosion de l’industrie. Or en 2008, l’empreinte de cette industrie est considérable : 1. Le parc mondial de véhicules automobiles, en croissance rapide, est estimé à 700 millions d’unités. 2. Il se vend annuellement de l’ordre de 70 millions de véhicules neufs (marché en croissance rapide) et 120-180 millions de véhicules usagés (estimation de l’auteur). 3. Le chiffre d’affaires annuel réalisé par les constructeurs, leurs fournisseurs et distributeurs est estimé (pour les ventes de véhicules neufs) à 1500 milliards $US. À ce total, il faut ajouter le flux d’affaires généré après la vente de la voiture compris entre 3000 milliards $US et 4500 milliards $US (estimation de l’auteur). GILLES PAQUET  HOMO HERETICUS  248  4. Quatre-vingt-quatorze pour cent (94 %) de la production mondiale est manufacturée par 20 constructeurs, 11 de ces 20 constructeurs réalisant eux-mêmes 80 % de cette production. 5. L’industrie contribue à hauteur de 4 % á 5 % de l’emploi global dans les pays industrialisés. 6. L’industrie produit de l’ordre de 25 % des gaz à effet de serre du monde occidental. Traditionnellement, l’étude de l’industrie automobile repose sur l’emploi de quelques microscopes bien connus, par exemple : l’analyse stratégique des firmes à la Porter (Porter 1985) ou encore l’analyse stratégique de « filière » à la française (Bidault 1989). Le parti pris de cet essai est d’appliquer un macroscope (de Rosnay 1975) à l’analyse de l’industrie automobile ; en l’occurrence, l’outillage de la théorie de la gouvernance développé par Gilles Paquet (2008; 2005; 2004), qui peut être résumée abruptement comme suit : 1. la finalité de l’analyse de la gouvernance d’un système sociotechnique est de cerner la « dynamique de la répartition du pouvoir, de l’information et des ressources entre les acteurs du champ socioéconomique » analysé, 2. … en repérant les dysfonctionnements et pathologies stables et récurrentes qui affectent les systèmes décisionnels des acteurs et la régulation des systèmes sociaux techniques auxquels ils participent, 3. … afin de suggérer le réagencement de ces systèmes sociaux pour en éliminer les dysfonctionnements et en améliorer durablement l’efficacité. Dans cette perspective, l’industrie automobile inclut les acteurs suivants : 1. Les usagers/consommateurs qui recherchent la satisfaction de leurs besoins de mobilité. 2. L’ensemble des firmes actives tout au long de la durée de vie du produit automobile2 . Les constructeurs y jouent un rôle prépondérant car ils conçoivent, produisent, distribuent les véhicules et les pièces détachées nécessaires à leur entretien. Ils dominent l’énorme accumulation de capital, le « détour de production » (Böhm-Bawerk 1929) nécessaire à la [18.221.112.220] Project MUSE (2024-04-26 10:02 GMT) D’UNE INDUSTRIE AUTOMOBILE  249  satisfaction par l’usage de l’objet automobile des besoins de mobilité des consommateurs. 3. Les pouvoirs publics (gouvernements centraux et gouvernements locaux) qui investissent lourdement dans les infrastructures routières, émettent les règlements de sécurité, contrôlent les émissions toxiques et bientôt l’empreinte carbone des véhicules, et qui conçoivent et font respecter l’application des codes de conduites. 4. Les organisations de la société civile (par exemple, les groupes écologistes ou de défense des consommateurs) qui tentent d’endiguer les effets négatifs de l’usage massif de l’automobile (tels que la pollution, l’asphyxie des centres-villes, l’étalement urbain) ou encore de protéger les consommateurs des excès de pouvoirs des constructeurs...

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