In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Decolonizing Literary Modernity in Senegal by Tobias Warner
  • Mouhamédoul Amine Niang
Warner, Tobias. Decolonizing Literary Modernity in Senegal. New York, Fordham University Press, 2019. ISBN 9780823284290. 342 p.

Cet ouvrage traite de la modernité littéraire et sa décolonisation par la langue et la traduction au Sénégal. Il plaide pour une reconnaissance de la variabilité littéraire et sa prise en compte à travers une conception plus inclusive de la traduction, celle-ci devant refléter la multiplicité linguistique comme une preuve de cette variabilité. Axée autour de la question de la langue—le wolof, le français, et l'anglais dans une moindre mesure—en littérature, cette histoire littéraire du Sénégal s'organise en trois parties recoupant les trois périodes étudiées: la période coloniale, la décolonisation et l'époque néolibérale.

Le premier chapitre de la première partie porte sur deux textes de l'abbé David Boilat comme le produit de sa pratique pseudo-scientifique et subjective de collecte de textes et de performances culturels multiformes ou entextualization, d'une part, et sur l'appropriation littéraire ou literarization que Senghor a fait d'un de ces textes, Grammaire de la langue wolof, dans sa première anthologie, Les Plus beaux écrits de l'Union française et du Maghreb, d'autre part (47). L'intérêt de ce chapitre réside dans le portrait de Boilat en tant que pilier de la librairie coloniale et acteur dans l'émergence d'une nouvelle conception de la traduction et la production d'une tradition littéraire africaine précoloniale. Les concepts d'entextualization et de literarization, que Warner explique clairement, sont, selon lui, deux étapes de cette traduction qui permet au texte de devenir littérature, mais de façon contingente. Warner s'assure d'ailleurs de différencier modestement son approche de celle de Pascale Casanova en soulignant combien ces deux concepts relèvent la nature historique et contingente de la textualité d'une œuvre littéraire. En outre, l'intérêt de ce chapitre réside aussi dans la façon dont l'auteur établit des comparaisons entre [End Page 207] Senghor, le traducteur qui modifie le texte emprunté, et Boilat, le traducteur qui traduit, pour ensuite expliciter la portée de ces parallèles pour la tradition littéraire que le président-poète crée en transformant en œuvres littéraires des textes collectés par l'abbé.

Le chapitre 2 prolonge l'étude de Warner dans son effort de montrer que la littérature de l'Afrique noire francophone était d'abord constituée de textes non littéraires. Il se focalise sur les études que des écoliers noirs de l'école coloniale française ont menées sur les cultures africaines et leur collecte par Senghor qui en a fait une nouvelle littérature. L'auteur y introduit une rectification historique de taille: en effet, selon lui, la première formulation de l'existence d'une nouvelle littérature africaine moderne se trouve dans Les Plus beaux écrits et non dans Anthologie, texte fondateur de la négritude. Ce même chapitre analyse ce que Warner appelle "la volatilité de l'auteur"2 (55). Cette instabilité apparaît dans des modes paralittéraires avec ses possibilités et paradoxes. Il illustre son propos à travers l'étude de ces modes paralittéraires que sont les écrits ethnographiques ou Cahiers Ponty (devoirs de vacances), produits des élèves de l'École Normale William Ponty des années 1930 et 1950 pendant leurs vacances scolaires. L'auteur montre que l'institution qu'est l'École Normale William Ponty a contribué à la volatilité de cette paralittérature par ses politiques pédagogiques et ses projets de recherche modernisateurs de l'élève colonisé dans un contexte de mise en corrélation entre la politique coloniale et l'ethnographie. Une telle alliance a mené à l'africanisation de l'éducation coloniale en Afrique occidentale française à des fins bien précises. Warner semble dire subtilement ici que l'intérêt que les élèves et les futurs auteurs africains avaient...

pdf