The Medieval Clothier by John S. Lee (review)

Le drap de laine est un incontournable de l'histoire et de l'économie médiévales : non seulement il fournissait le matériau de base de l'habillement et de l'ameublement à tous les niveaux de la société occidentale, mais sa fabrication anima villes et campagnes durant des siècles. Cela explique les nombreuses études consacrées à cet objet. L'ouvrage de John S. Lee s'inscrit donc dans une vaste historiographie, comme le signale d'ailleurs la bibliographie du livre (p. 322-337)—dont on peut cependant déplorer qu'elle soit limitée aux études en anglais, ignorant la recherche récente en italien, en allemand ou en français, notamment sur l'Europe du Nord.

L'ambition de l'auteur est d'étudier un des acteurs de l'industrie textile, le drapier ou clothier, dont la figure émerge et s'impose au XV^e siècle en Angleterre. Appelé d'abord cloth-maker, cloth-man puis clothier (p. 22), il semble dominer la production drapière aux XV^e et XVI^e siècles par sa fortune, son ostentation et ses réseaux. Son équivalent en français est le « drapier marchand », par opposition au «drapier drapant » plus impliqué dans la production que le commerce.

Après une introduction (p. 1-38) qui présente rapidement le contexte historique, l'historiographie et la documentation de la draperie anglaise entre 1350 et 1550, « Medieval Clothier » comporte six chapitres : 1) les procédés et l'organisation de la production (« Making cloth », p. 39-65) ; 2) le commerce du drap dans le royaume et à l'étranger (« Marketing cloth », p. 77-114) ; 3) la localisation des drapiers par région (« Identifying clothiers », p. 115-156) ; 4) la réglementation de la production (« Clothiers and government », p. 157-190) ; 5) quelques aspects du style de vie des drapiers («Clothiers in society », p. 191-225) ; 6) quatre drapiers célèbres (« Famous clothiers », p. 226-271). La conclusion (p. 272-281) revient sur l'émergence du drapier, ses compétences et son environnement avant de s'interroger sur la nature capitaliste de cet acteur de la production textile médiévale.

Dans une démarche descriptive plutôt qu'analytique, l'auteur exploite, sans la critiquer, la documentation qui donne à voir le drapier (clothier)—essentiellement des sources fiscales, testamentaires et juridiques. D'entrée de jeu, la définition de ce qu'est le drapier (« the clothier was involved in both the making and marketing of woollen cloth », p. 2) oriente la recherche. Et puisque « both contemporaries and historians have seen clothiers as a distinctive group of entrepreneurs who emerged during the later Middle Ages to coordinate the different stages of production within the textile industry, and to control an increasing share of cloth trade » (p. 2), l'auteur ne cherche pas vraiment à comprendre l'émergence de cet acteur, mais plutôt à exposer les conditions de son ascension sociale, ses comportements et ses actions dans la moitié sud du royaume. Lorsqu'il pose la question « Why did the cloth industry develop in particular areas? » (p. 144-156), Lee y répond au conditionnel (« might include », « could incorporate », «could engage », «could be used », « may have migrated », p. 156) et termine par une affirmation aussi vague que générale : « The key conditions… appear to have been access to labour, capital and markets » (p. 156). Dans la mesure où l'auteur ne pose son regard QUE sur les individus qualifiés de drapiers, il cherche les points communs entre eux plutôt que d'étudier leur évolution dans et par rapport à l'industrie textile. Cette méthode, qui ignore la comparaison avec les autres acteurs de la production du drap de laine (drapers, fullers, weavers), ne permet pas de comprendre clairement pourquoi certains sont devenus des clothiers (marchands) tandis que d'autres sont restés producteurs (artisans).

L'ouvrage fournit cependant quelques pistes : on comprend que le niveau de fortune initial et la pratique du crédit expliquent l'ascension de certains artisans dans le...