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Reviewed by:
  • Les enquêtes ouvrières dans l'Europe contemporaine dir. by Éric Geerkens et al.
  • Marie-Emmanuelle Chessel
Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna (dir.), Les enquêtes ouvrières dans l'Europe contemporaine, Paris, La Découverte, « Recherches », 2019, 456 p.

Quoi de commun entre les travaux effectués par Friedrich Engels à Manchester dans les années 1840, les enquêtes menées par des médecins français ou belges tout au long des XIXe et XXe siècles, les enquêtes portant sur les chômeurs de Marienthal ou sur le Borinage belge dans les années 1930, les expériences filmiques militantes des années 1968 ou la première enquête statistique sur les conditions de travail en France en 1978 ? Ces exemples et bien d'autres sont rassemblés dans cet ouvrage foisonnant qui propose une histoire des enquêtes ouvrières dans l'Europe contemporaine.

Cet ouvrage a été préparé à huit mains, par trois historiens et une historienne du social ayant publié des travaux de référence dans le domaine. Ils proposent ici à la fois une synthèse, qui pourra servir de manuel sur le sujet, avec une introduction remarquable, et une « expérience » exploratoire, issue d'un séminaire de recherche à l'École des hautes études en sciences sociales, qui vise à construire une méthode d'interrogation des enquêtes.

L'« enquête ouvrière » n'est pas vraiment définie en tant que telle : on ignore d'où vient cette catégorie. Plus généralement, l'enquête est présentée comme « un mode de connaissance et de compréhension de la vie sociale qui procède par collecte ponctuelle d'informations–ce qui la distingue des opérations plus régulières du relevé statistique –, à prétention scientifique et souvent justifiée par une situation problématique, sur laquelle elle permettrait d'agir » (p. 8). Le périmètre, lui aussi large, reprend les catégories utilisées par les enquêteurs : il porte sur le budget et les pratiques de consommation, les logements, la santé et l'hygiène, voire la religiosité, les loisirs, la sociabilité ou les pratiques militantes des ouvriers (p. 17). Il s'agit principalement d'enquêtes ayant donné lieu à des écrits, même si un article porte sur des films.

Assemblant vingt-sept articles, divisé en trois parties, l'ouvrage insiste d'abord sur des « moments » favorables aux enquêtes (les années 1830-1840, les années 1890-1914, les années 1950-1960). Dans un deuxième temps, il présente des « configurations », c'est-à-dire des articles qui examinent un sujet sur une plus longue chronologie, comparent deux espaces ou deux périodes, ou s'intéressent à des moments particuliers, comme la crise des années 1930. Enfin, dans un troisième temps, l'ouvrage est consacré à des « démarches d'enquêtes ».

On l'aura compris, le plan n'est volontairement pas chronologique. Les trois directeurs et la directrice du volume ne cherchent pas à proposer une histoire exhaustive et linéaire des enquêtes ouvrières, mais ils proposent plutôt un ensemble qui vise à nous faire réfléchir sur l'enquête ouvrière, et au-delà, sur l'histoire des sciences sociales. En traitant ensemble des enquêtes menées dans différents univers, universitaires ou non, l'ouvrage contribue en effet à une autre histoire des sciences sociales : une histoire qui part des pratiques d'enquête empirique et non pas de [End Page 266] travaux étiquetés comme fondateurs a posteriori, une histoire qui considère à parts égales les enquêtes militantes et les enquêtes exercées dans un cadre académique.

L'intérêt de la démarche est d'avoir rassemblé une série de travaux de grande qualité qui, s'ils ne sont pas tous nouveaux, n'ont pas l'habitude d'être publiés ensemble. Ils sont représentatifs de différentes traditions de recherche florissantes, par exemple l'histoire sociale belge ou britannique ou le dialogue entre histoire et autres sciences sociales en France. Ils sont pr...

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