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Reviewed by:
  • Combattre, survivre, témoigner. Expériences soviétiques de la Seconde Guerre mondiale dir. by Emilia Koustova
  • Luba Jurgenson
Emilia Koustova (dir.), Combattre, survivre, témoigner. Expériences soviétiques de la Seconde Guerre mondiale, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, « Études orientales, slaves et néohelléniques », 2020, 470 p.

L'intérêt de l'historiographie pour les expériences individuelles et les égo-documents n'est plus à démontrer. On n'a pas fait le tour pour autant des implications du nouveau rapport aux sources que cette approche véhicule et qui a conduit à construire en objet d'étude les contextes de leur production–et de leurs manipulations. Le déplacement du point de vue n'a pas eu seulement pour effet de convoquer sur la scène historique des acteurs jusque-là absents ou invisibles, mais a permis d'envisager les imbrications entre le collectif et l'individuel, au fondement de ces sources, comme un champ de savoir historique pluridisciplinaire, au croisement de l'anthropologie, de la littérature, de l'analyse de l'image, etc. C'est bien dans cette mouvance que se situe, comme l'annonce son titre, Combattre, survivre, témoigner. Expériences soviétiques de la Seconde Guerre mondiale. Résultat d'un remarquable travail de documentation, de traduction, d'analyse et de synthèse, l'ouvrage vise à cerner au plus près des expériences personnelles, mêlant témoignage historique et dimension intime et dressant, de manière modeste–souvent en note de bas de page–mais efficace, un état des lieux des recherches sur les principaux thèmes évoqués : la vie quotidienne des combattants, des populations civiles, des partisans et des chroniqueurs, journalistes ou cinéastes ; la création de mythes soviétiques à travers la propagande et la mémoire. Ce panorama montre, en amont d'un certain nombre de travaux récents (ceux de Masha Cerovic, d'Irina Tcherneva, de Valérie Pozner, etc.), une histoire des savoirs complexe, en dents de scie, qui a progressivement [End Page 251] préparé ce changement de paradigme avec la prise en compte des égo-documents, et apporte une vision résolument transversale d'un champ d'études en construction. L'ouvrage donne à voir aussi, par sa structure fondée sur la classification des sources, le parti pris de laisser parler ces dernières à partir de leur catégorie même. Il est en effet organisé selon les types de documents sollicités : journal intime (première partie), correspondances (deuxième partie), enregistrements effectués dans le cadre de commissions d'enquête (troisième partie) ou enquête judiciaire (quatrième par-tie). Si ces différents modes de fixation des événements, répondant à des pratiques sociales, individuelles ou institutionnelles, nécessitent des approches différentes, leur ordonnancement est déjà en soi une méthode : instituer la source en principe d'organisation du savoir permet de l'interroger selon des paramètres nouveaux dont contingences, ressentis, énigmes, stratégies de construction des ethos ou des images de soi. Ainsi, chacune des neuf contributions, encadrées par l'introduction et la conclusion d'Emilia Koustova, présente un ou plusieurs documents inédits consacrés à un individu dont ils font découvrir et confrontent différentes facettes ; et ce, tout en montrant comment l'historiographie et la mémoire officielles ont opéré parmi celles-ci des choix visant à préserver la vision manichéenne, en noir et blanc, de la « Grande Guerre patriotique », mythe fondateur de l'URSS à partir des années cinquante et de la Russie actuelle. En annexe, on trouve un panorama des archives ukrainiennes sur l'occupation nazie, détaillant les impensés, les fonds à explorer et les perspectives qu'ils offrent aux chercheurs ; ainsi que la liste des archives lituaniennes, russes et ukrainiennes où les auteurs ont mené leur recherche. L'ouvrage se conclut par une importante bibliographie, désormais outil précieux pour les chercheurs qui poursuivront l'exploration des mythes et réalités de la Seconde Guerre mondiale en URSS.

Historienne et historienne de la culture, Emilia Koustova n'en est pas à sa première étude sur l'écriture...

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