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  • Liminaire
  • Sébastien Drouin (bio)

L'étude de la presse d'Ancien Régime connaît depuis quelques décennies un véritable âge d'or. Sollicités tant par les littéraires et les philosophes que par les historiens des sciences, des religions, de l'économie ou des sciences politiques, sans parler bien entendu des historiens du livre, les périodiques européens des XVIIe et XVIIIe siècles constituent des sources documentaires dont l'importance ne fait plus l'ombre d'un doute. Souvent à la solde de puissances politiques, certains périodiques d'Ancien Régime diffusent parfois d'étonnantes fausses nouvelles, ce qui ne résonne que trop avec notre propre actualité tenaillée par la désinformation et les accusations de propager des fake news (Brétéché et Cohen 2018). Signe des temps, et en raison de l'importance croissante des humanités numériques, les travaux sur les réseaux journalistiques ont connu de spectaculaires développements ces vingt dernières années. La réflexion sur la circulation des livres et de l'information (politique, philosophique, littéraire, artistique ou théologique) participe d'un questionnement plus global sur la nature des réseaux dans l'espace européen de l'époque moderne (Beaurepaire, Häseler et McKenna 2006; Hotson et Wallnig 2019); un mouvement dans lequel s'enracinent les études sur la presse hollandaise aux XVIIe et XVIIIe siècles.

Les correspondances et papiers personnels de journalistes, imprimeurslibraires, auteurs et autres correcteurs d'épreuves donnent accès à une multitude d'informations tant sur l'édition que sur la réception de la presse d'expression française imprimée en Hollande (Van Eeghen 1960–1978; Berkvens-Stevelinck et Vercruysse 1993). Recourir aux archives hollandaises est essentiel pour comprendre l'histoire de la presse aux Provinces-Unies, comme l'ont bien montré les nombreux auteurs du Dictionnaire des journaux et du Dictionnaire des journalistes parus sous la direction de Jean Sgard1. Cette importance accordée aux archives et aux correspondances s'observe également dans les études consacrées aux « intermédiaires de la République des Lettres », lesquelles mettent en évidence le rôle central des réseaux parmi lesquels les journalistes occupent une place de choix (Berkvens-Stevelinck, Bots et Häseler 2005; Drouin 2015). Malgré un nombre toujours plus grand de travaux, il n'en demeure pas moins que bien des documents essentiels pour la compréhension des réseaux de journalistes aux XVIIe et XVIIIe siècles sont encore inédits et largement inexploités. Les lettres de journalistes circulent entre les Provinces-Unies, la France, la Suisse, l'Italie, l'Allemagne et l'Angleterre (Almagor 1989; Lagarrigue 1990; Thomson 2013; Chapron et Boutier 2013 [End Page 637] ). Elles contiennent des nouvelles qui sont soit le fait de démarches personnelles, comme Pierre Des Maizeaux envoyant des nouvelles littéraires d'Angleterre en France et en Hollande, soit le résultat de charges officielles. Alors qu'il est directeur de la Bibliothèque du roi et à la tête du Journal des savans, Jean-Paul Bignon fait parvenir des nouvelles à la main non seulement à des périodiques, mais aussi à des particuliers comme Gisbert Cuper, érudit et bourgmestre de la ville de Deventer qui est lui-même en correspondance avec plusieurs savants et journalistes de Hollande (Vittu 2002).

Malgré l'importance de la presse anglaise et française, la fin du XVIIe siècle voit le marché des périodiques de langue française imprimés aux Provinces-Unies connaître une croissance exceptionnelle, cela en grande partie dû à la Révocation de l'Édit de Nantes et aux politiques belliqueuses de Louis XIV (Brétéché 2015). Il n'est pas rare de retrouver des pasteurs récemment arrivés en Hollande essayant de s'insérer dans l'équipe d'un périodique en envoyant gratuitement des nouvelles. C'est notamment le cas pour le pasteur Gabriel d'Artis dont quelques lettres au Journal littéraire sont conservées dans le fonds Prosper Marchand de la Bibliothèque universitaire de Leyde. Des érudits comme Bayle, Le Clerc, ou Masson cumulent...

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