Mondes profanes. Enseignement, fiction et histoire dir. de Marc-André Éthier, David Lefrançois et Alexandre Joly-Lavoie (review)

Cet ouvrage collectif propose un vaste ensemble de réflexions et d'analyses portant sur les différentes modalités de représentations de l'histoire à partir d'objets n'étant pas strictement issus de la discipline historique. S'opposant à l'histoire savante, cette histoire profane se compose d'un réseau très riche (cinéma, télévision, littérature, jeux vidéos, musées…) à partir duquel l'enseignant en histoire peut puiser. L'objectif de ce livre est ainsi « [d']explorer les usages scolaires des biens, loisirs et services culturels d'histoire […] pour exercer les élèves à pratiquer de mieux en mieux certains des actes mentaux que les historiens et les historiennes doivent effectuer lorsqu'ils ou elles "pratiquent leur métier" ». Mondes profanes marie donc très bien la théorie et la pratique, et ce, sans tomber dans une aridité didactique qui viendrait autrement contredire l'ambition d'une interrogation d'objets culturels distants et distincts d'ouvrages savants.

Le projet demeure néanmoins ambitieux et ratisse très large: après des considérations théoriques plus générales (section 1), chaque partie du livre aborde un champ précis de l'histoire profane — des arts de la scène (section 2) aux jeux vidéos (section 3), en passant par la littérature (section 4) et le patrimoine (section 5). L'alliage entre la théorie et la pratique est aussi efficace que judicieux, offrant un panorama de la recherche et de la réflexion (au Québec et ailleurs) sur les discours profanes de l'histoire. La forme du volume est au demeurant très conviviale: des introductions théoriques ouvrent chacune des sections du livre; les quatorze chapitres débutent par un résumé et quelques mots clés, puis sont suivis de questions d'approfondissement et d'une brève bibliographie commentée; de plus, placés à la suite des chapitres 3 à 10, des « encadrés » de six à dix pages proposent en guise d'exemples des applications possibles en classe à l'aide de propositions d'exercices détaillées, concrètes, structurées et arrimées aux programmes des différents cycles du primaire et du secondaire.

S'il incite moins à une lecture continue, ce choix structurel permet assurément au lecteur-enseignant d'aller aux passages qui l'interpelleront plus directement. En outre, les conclusions de chacun des chapitres offrent un survol des principaux éléments couverts, sans doute pratique pour le lecteurenseignant, mais le public général y verra plutôt une redondance. Il ne faudrait toutefois pas sous-entendre que l'ouvrage manque de cohésion, pas plus qu'il n'est uniquement destiné à un public scolaire. Si les encadrés sont d'un intérêt général limité, la lecture des chapitres demeure fluide et le lecteur intéressé par les questions d'histoire, de représentations, de mémoire, de fiction et de discours publics et médiatiques (au sens le plus large) y trouvera assurément son compte.

Intitulée « Histoire et fiction: un regard global », la section 1 propose d'emblée une définition en bonne et due forme de l'histoire profane, laquelle « comprend tout discours à vocation publique (par opposition à intime, privée), voire populaire, qui traite du passé sans afficher l'ambition de respecter, en tout ou en partie, les codes, normes et pratiques dits savants ». Bien sûr, les œuvres de fiction occupent une place importante dans cet espace profane. La question de la responsabilité dans la production des discours historiques y est posée avec beaucoup d'acuité. Un survol de l'évolution de la position historienne est en outre l'occasion de souligner que ces enjeux (devoir de mémoire, souci accordé aux victimes, mémoires plurielles, pensée orientée par et vers les « vainqueurs », glorification...