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  • La République et ses autres. Politiques de l'altérité dans la France des années 2000 by Sarah Mazouz
  • Pauline Picot
Sarah MAZOUZ, La République et ses autres. Politiques de l'altérité dans la France des années 2000, Lyon, ENS Éditions, « Le gouvernement en question(s) », 2017, 284 p.

Le livre de Sarah Mazouz, adapté d'une thèse de sociologie, est le résultat d'une riche enquête de terrain ethnographique et d'une analyse de deux politiques publiques rarement traitées ensemble : la politique de la nationalité, via la naturalisation, et la politique de lutte contre les discriminations. L'auteure interroge ainsi la notion d'égalité républicaine : si l'analyse de la procédure de naturalisation permet d'aborder la frontière entre national et étranger littéralement en train de se faire–puisqu'elle nous donne à voir la façon dont le pouvoir discrétionnaire de l'administration s'exerce–il est également question des frontières internes, à travers les politiques antidiscriminatoires dont l'objectif premier, mais progressivement délaissé, était de réparer une « inégalité raciste » entre citoyens français. L'ouvrage se découpe donc en deux parties : après une introduction qui resitue les enjeux théoriques et méthodologiques de l'analyse des processus de racialisation, les deux premiers chapitres sont consacrés à la politique de lutte contre les discriminations, tandis que les deux suivants abordent la procédure de naturalisation.

L'auteure fait l'historique de la façon dont la question des discriminations a été, dans un premier temps, formulée en termes de lutte contre les discriminations raciales et mise à l'agenda des politiques publiques en France. Entre 1998 et 2003, les premières mesures antidiscriminatoires consistent à reconnaître l'existence de discriminations racistes, ce qui n'allait pas de soi dans un contexte français marqué par l'exigence républicaine de « cécité à la couleur » (colorblindness) ; puis vient la mise en oeuvre de politiques de réparation et l'intégration dans la législation française d'un corpus en droit de la non-discrimination encadré par des circulaires de l'Union européenne. La période 2004-2011, à laquelle correspond l'enquête, est celle de « l'universalisation de l'antidiscrimination » (p. 33) : la question des discriminations raciales perd sa centralité, la liste des critères illégaux étant étendue aux discriminations en raison du genre, de l'orientation sexuelle, du handicap et de l'appartenance syndicale, alors que la HALDE (Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) devient l'institution de référence dans le domaine. L'action publique antidiscriminatoire se mène aussi au niveau départemental dans les COPEC (Commission pour la promotion de l'égalité des chances et de la citoyenneté).

Sarah Mazouz montre ainsi, à partir de ses observations dans les réunions des groupes de travail et de ses entretiens avec les fonctionnaires en charge de la COPEC du département étudié, comment cette institution mène « une action sans efficacité […] ni politique ni juridique » (p. 104). En effet, la prépondérance du paradigme de l'intégration–qui postule que les inégalités entre Français et étrangers ou immigrés résultent d'abord du manque d'effort de ces derniers pour s'adapter à la société d'accueil–aussi bien dans les discours politiques que dans les pratiques des agents préfectoraux, donne lieu à des résistances qui empêchent la mise en oeuvre d'actions concrètes de réparation des discriminations. Par ailleurs, les associations antiracistes elles-mêmes ne se sont que très peu saisies des possibilités ouvertes par le paradigme de l'antidiscrimination, contribuant ainsi à « l'euphémisation des enjeux politiques que soulève l'existence des discriminations » (p. 104) et au non-usage du droit dans le cas des discriminations raciales.

L'enquête montre par ailleurs que les dispositifs de lutte contre les discriminations s'avèrent être des lieux de reproduction du « racisme ordinaire », notamment entre les agents. De plus, le dispositif de la COPEC, en hiérarchisant les victimes sur la...

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