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  • Les projets. Une histoire politique (XVIe-XXIe siècles) dir. by Frédéric Graber et Martin Giraudeau
  • Tomas Le Roux
Frédéric GRABER et Martin GIRAUDEAU (dir.), Les projets. Une histoire politique (XVIe-XXIe siècles), Paris, Presses des Mines, « Sciences sociales », 2018, 314 p.

L'époque serait aux projets, tel est le sentiment qui semble bien ancré dans le monde de la recherche, depuis une quinzaine d'années bien plus objet de financements sur projets que par le passé. Il est d'ailleurs parfois plus honorifique d'être lauréat d'un projet que d'en présenter ses résultats. Car, « à quoi bon exécuter des projets, puisque le projet est en lui-même une jouissance suffisante ? », écrivait Baudelaire dans « Les projets », vingt-quatrième poème du Spleen de Paris. Serait-ce pour cela que les « projets de loi » sont l'apanage du gouvernement, laissant aux députés le qualificatif plus dévalorisant de « propositions de loi » ? Bien que les projets constituent une part importante de la vie académique, et de la vie sociale de façon plus large, rares sont les travaux historiques qui les prennent comme objet d'étude. Telle est l'heureuse ambition de ce livre collectif, lui-même résultat d'un projet de recherche financé, puisqu'il découle du programme ANR Profutur, « Savoirs et techniques d'anticipation. Prévision et organisation du futur en Europe aux XVIIIe et XIXe siècles » (2009-2012), piloté par Frédéric Graber. Ce dernier a réuni, avec Martin Giraudeau, diverses contributions qui résultent de séminaires, journées d'étude et colloques organisés dans le cadre du programme, ainsi que de commandes pour un ouvrage qui se pense comme un tout, même s'il est toujours difficile de parvenir à une unité dans un ouvrage collectif. Il est suffisamment rare qu'un objet d'étude aussi transversal puisse être publié en histoire pour que le fait soit souligné.

L'ouvrage s'ouvre avec une longue introduction et se termine par une non moins longue conclusion, toutes deux écrites par F. Graber et M. Giraudeau. À leur lecture, on comprendra que les différents auteurs avaient pour consigne d'orienter leurs travaux dans le cadre défini et vers des perspectives communes. Comme à l'accoutumée pour ce genre d'ouvrage collectif, le pari n'est que partiellement tenu, en particulier parce que la définition du « projet » proposé par les auteurs, quoique volontairement large, ne correspond pas forcément rigoureusement à tous les types de mécanismes étudiés par les différents auteurs. Néanmoins, l'organisation du livre, claire et pertinente, permet au lecteur de défricher méthodiquement la notion, dont la conceptualisation est parfois ardue : tout d'abord sont exposés différents types de « formes-projets », sur des terrains et des époques différents, puis sont présentés quelques techniques ou outils communs à bon nombre de projets (business plan, contrats, souscriptions, brevets, etc.).

Avant de proposer leur propre définition du projet, dans une perspective politique et historique, F. Graber et M. Giraudeau soulignent l'intérêt que la notion a suscité chez les chercheurs en sciences sociales et regrettent, malgré l'effort critique établi par ces recherches pour se défaire de l'injonction aux projets, les formes de modélisations anhistoriques qui en découlent ou qui schématisent l'évolution diachronique. Selon eux, cinq archétypes de conceptualisation du projet ont ainsi pu être dégagés. Le premier considère le projet comme propre à l'avènement de la modernité, et même une caractéristique de l'époque moderne. Ce serait l'époque des faiseurs de projets, qui cherchent à améliorer le présent pour transformer le monde, en combinant avantage public et profit privé. Il s'incarne dans la figure de Daniel Defoe et son Essay Upon Projects (1697) qui définit déjà son époque comme un projecting age, un âge de la croyance au progrès et de la promotion du changement [End Page 173] et de la nouveauté. Un deuxième, développé par...

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