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Reviewed by:
  • Le syndicalisme à l'épreuve de la Première Guerre mondiale dir. by Jean-Louis Rorobert
  • Erwan Le Gall
Jean-Louis ROBERT (dir.), Le syndicalisme à l'épreuve de la Première Guerre mondiale, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Pour une histoire du travail », 2017, 392 p.

Actes d'un colloque tenu les 26 et 27 novembre 2014, ce volume collectif sur « Le syndicalisme à l'épreuve de la Première Guerre mondiale » est de ceux qu'il faut connaître. Alors que l'attention s'est très largement portée au cours du centenaire sur les expériences combattantes, les différents contributeurs de ce riche ouvrage ont souhaité replacer la question syndicale au cœur des préoccupations. C'est là une initiative heureuse tant il est vrai que ce sujet est indissociable de celui de l'adhésion au conflit et donc, d'une certaine manière, de l'endurance des sociétés en guerre. Appréhendée suivant de savants jeux d'échelle, usant d'études à spectre resserré, à l'instar de la minutieuse contribution de R. Colombier sur les cheminots de Mantesla-Jolie, et de réflexions transnationales menées avec brio par A. Prost, J. Horne ou encore C. Wrigley, le livre se place dans une chronologie élargie (1911-1923) faisant écho à la « Plus Grande Guerre » qui a actuellement cours parmi les spécialistes de ce conflit. Ajoutons que ce choix s'accorde très bien avec la définition extensive du mouvement syndical choisie pour ce livre, D. Fraboulet et C. Druelle-Korn traitant par exemple des organisations patronales et, notamment, de la puissante Union des industries métallurgiques et minières (UIMM).

Dense, le propos du livre s'organise en trois grands temps. Le premier examine les rapports des syndicats et des syndicalistes à la guerre pour mieux replacer ces acteurs dans une certaine « normalité » chronologique. En effet, le déclenchement du conflit fait, dans les sections comme ailleurs, figure de « cataclysme ». Sous l'effet conjoint de « l'accablement » face à une telle nouvelle, puis de la désorganisation des organisations résultant du départ des hommes pour le front, les réseaux militants sont par la suite plus ou moins durablement mis en sommeil. Au fil des contributions, le réveil s'opère pour les plus précoces à l'automne 1914 (les institutrices et instituteurs de L'École émancipée, autour notamment de Marie Guillot), mais parfois uniquement à la fin de l'année 1915, voire en 1916. Toujours est-il que c'est un calendrier qui s'observe dans bien d'autres secteurs, l'activité reprenant sur les bases d'une certaine accommodation au conflit.

Ce faisant, la Grande Guerre agit à la manière d'un effet de seuil pour révéler, sur fond d'acceptation renouvelée de l'effort de guerre25, quelques-unes des grandes lignes de fracture qui, tout au long des années 1920 et bien plus tardivement encore, traverseront le mouvement social. Car, du « pacifisme patriotique » de François et Marie Mayoux aux Zimmerwaldiens, il y a un gouffre qui renouvelle le clivage entre réformistes et révolutionnaires. C'est ainsi que Louis Marie Guilloux, dans une lettre adressée le 29 décembre 1914 à Pierre Monatte, estime que « la CGT aura besoin d'une forte purge » pour expier son ralliement à l'Union sacrée, propos qui, rétrospectivement, semble annoncer la scission avec la CGTU. Comme le rappelle fort justement C. Chevandier, « c'est toute l'histoire de la société française jusqu'aux années 1960 qui est marquée par le souvenir de la Grande Guerre, et le syndicalisme n'y échappe pas ». [End Page 188]

Dans un deuxième temps, les différents contributeurs entendent interroger les rapports du syndicalisme à l'économie de guerre. Ce qui s'en dégage est, fondamentalement, le sens tactique des responsables syndicaux qui, la plupart du temps, conscients du rapport de force politique en cours, savent qu'ils ne peuvent prendre le risque de sortir de l'Union sacrée et tentent de récupérer sur les salaires ce qu'ils perdent sur les conditions de travail: l'effort de...

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