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Reviewed by:
  • Jules Guesde. L'anti-Jaurès? by Jean-Numa Ducange
  • Julian Wright
Jean-Numa DUCANGE, Jules Guesde. L'anti-Jaurès?, Paris, Armand Colin, 2017, 248 p.

L'intransigeant, le révolutionnaire, « l'oppositionnel de toujours »: Jules Guesde a profondément marqué le débat politique français et européen, depuis son entrée en politique avec les événements de 1871 et son enthousiasme croissant pour le socialisme marxisant des années 1870, jusqu'à sa mort en 1922. Et bien au-delà. Comme le montre Jean-Numa Ducange dans cette première biographie critique du leader [End Page 162] socialiste, c'est peu après sa mort, dans un contexte où la participation de Guesde au gouvernement de guerre et son refus d'adhérer au projet de Moscou en 1920 lui ont valu la condamnation d'une bonne partie de l'extrême gauche, que le nom de Guesde devient un lieu commun dans le discours politique des socialistes des années 1930. En faisant référence à l'aile gauche de l'ancienne SFIO de 1905, Léon Blum veut certainement indiquer que, pour lui, la tradition d'unité socialiste prévalant dans les débats des années 1930 a d'autant plus besoin de la présence iconique de Guesde. Ceci dit, c'est ce même Blum qui, en 1946, se trouve face à un nouveau courant intransigeant et doctrinaire, et c'est peut-être au Guesde railleur et rigoriste des congrès houleux de 1899 et 1900 qu'il pensait en dénonçant Guy Mollet.

Au-delà encore, car Jean-Numa Ducange montre avec beaucoup de finesse comment l'historiographie plus récente a pris Guesde pour cible, en particulier quand le débat intellectuel en France a suivi la lignée de la deuxième gauche. Pour Michel Rocard, entre autres, Guesde incarnait un socialisme « ultra-centralisé, étatique, de la dictature du prolétariat » (p. 196). Dans le débat intellectuel des années Mitterrand, ce n'était plus au Guesde constructeur du parti et de la tradition marxiste qu'on avait affaire, mais plutôt au Guesde « vieille gauche » qui repoussait, supposait-on, toute réforme.

En s'engageant avec érudition dans la question de Guesde et du guesdisme, Jean-Numa Ducange démontre parfaitement que les connexions trop simples entre guesdisme et antiréformisme, entre guesdisme et bolchevisme français, entre le manque d'intérêt de Guesde pour la question coloniale et la politique algérienne de Mollet, sont, précisément, simplistes, bien que de tels liens aient été parfois revendiqués par les acteurs politiques eux-mêmes. Cependant, l'organisation du socialisme sur le terrain politique de la France du XXe siècle est bien le fruit du travail inlassable de Guesde et de ses proches et, si le débat intellectuel depuis les années 1960 a voulu contester les formules souvent restreintes et réductrices de Guesde lui-même, l'existence du mouvement socialiste en France doit beaucoup à la façon dont une campagne doctrinale simple et foncièrement ancrée dans la rhétorique de la lutte des classes a été promulguée par le parti ouvrier de Guesde, et plus tard par la SFIO.

C'est le très grand mérite de ce livre, non seulement de poser un regard critique sur le sujet lui-même, rarement aimable, souvent absent de la scène à cause de maladies chroniques, mais aussi d'approfondir notre compréhension de la carrière de Guesde, à travers des sources locales et internationales rarement utilisées par les historiens de la gauche marxiste. Jean-Numa Ducange parvient à trouver l'équilibre entre le récit du Guesde que l'on connaît, tribun des congrès socialistes, avec le Guesde du réseau local, construit par lui non précipitamment, mais en prenant peu à peu conscience de l'importance de son rôle politique dans le Nord pour le renouveau de sa carrière politique après l'échec électoral de 1898. Et cette vision du Guesde roubaisien est d'autant mieux mise en valeur par l'accent mis par Jean...

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