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manière, il se refuse à revenir sur les lignes qu’il consigne pendant ces dix jours d’écriture , même dans les moments où la seule chose dont il se sente capable est de répéter sans cesse qu’il a besoin du produit. Ces principes viennent à prendre une dimension éthique, qui sauve progressivement le narrateur et le transforme en écrivain. Car au fur est à mesure que l’emprise de l’écriture s’affermit, celle du produit tend à se desserrer, et au bout de son séjour new-yorkais le narrateur prend conscience de ce qu’il vient d’accomplir: il a remplacé l’obsession pour un produit dont il était le consommateur captif par la production de son propre récit d’évasion héroïque.Le produit est également un roman sur la création, et sur les formes que l’art peut prendre dans sa quête de transcendance des gestes du quotidien.Ar., dont l’œuvre photographique est bâtie sur la capture de tels moments, aide le narrateur à envisager un retour apaisé à Paris et l’existence de ce qui pourrait bien être une vie nouvelle. Metropolitan State University of Denver Jean-François Duclos Quignard,Pascal. L’origine de la danse.Paris: Galilée,2013.ISBN 978-2-7186-0884-6. Pp. 175. 24 a. Quignard poursuit son inlassable méditation sur ce que cela signifie d’être humain à travers son étude paradoxale et déconcertante des arts, des sciences, des textes de différentes époques et cultures, de la nature. Cet ouvrage, plus spécifiquement sur la danse, s’intercale entre les volumes de Dernier royaume (huit sortis à ce jour) et leur fait écho, de la même manière que Boutès (2008). Si, par le format, il s’apparente au mélange de réflexions philosophiques, d’apories, de contes, de souvenirs, d’émerveillements que constitue Dernier royaume, on peut y discerner aussi un prolongement de la méditation de Boutès, sorte de “petit traité” sur la musique: ce que l’appel musical levait en Boutès était en effet le désir de répondre à l’appel des sirènes, de se mouvoir, de se jeter à l’eau, de retourner à la mer et à la mère. L’art chorégraphique, on l’aura compris, s’enracine aussi pour Quignard dans la mémoire inconsciente de la vie utérine, de son “monde édénique et aqueux” (43): “La première danse précède la naissance, où elle tombe” (38). Notre corps est un “vaisseau qui vient du fond du monde”(42), et littéralement“décontenancés”, ayant perdu notre contenant maternel, nous gardons toute la vie la nostalgie de ce premier royaume obscur et sonore, qui se traduit par une poussée à être“hors-de-soi”(65), à sortir de nous-même par différents recours, ascèse de l’art ou solitude. Comme toujours chez Quignard, le recours à l’étymologie retisse des liens perdus à force de langage, et retrouve une source immanente , physique à des phénomènes affectifs ou intellectuels: ainsi définit-il l’émotion comme“E-motio. Mouvement sortant du mouvement”(66), la rétablissant comme ce qui nous meut dans notre danse terrestre. Ce long développement sur la danse serait déjà précieux en lui-même, puisqu’il continue la cartographie originaire des arts que l’auteur développe depuis ses premiers livres, et qui constitue le fil rouge de son œuvre. 280 FRENCH REVIEW 88.2 Reviews 281 Mais, comme toujours chez Quignard, la réflexion érudite ne vient pas seule: elle s’accompagne d’une mosaïque de considérations fragmentaires plus ou moins éloignées du thème central, mais qui, entrant en résonance avec d’autres ouvrages, donne une cohérence saisissante à la succession de ses livres et constitue leur puissante nouveauté. Ainsi des souvenirs sur Le Havre détruit après-guerre qui sont récurrents dans Dernier royaume et constituent le fondement de la vision politique de l’écrivain; ainsi de ses souvenirs du spectacle Médéa sur scène avec Carlotta Ikeda qui ont certainement alimenté la rêverie initiale de...

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