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Reviews 205 Fargues,Nicolas.Au pays du p’tit.Paris: P.O.L,2015.ISBN 978-2-8180-3727-0.Pp.240. 16 a. Incapables de se projeter dans un avenir qui, du reste, ne manifeste aucune impatience à leur faire bon accueil,“champions toutes catégories de la noyade dans un verre d’eau” (78), ils font peine à voir, ces Français que décrit Romain Ruyssen dans son essai Au pays du p’tit, tout juste sorti des presses des Éditions Vadel. Dans une période propice au French bashing, tout semble en eux se réduire aux dimensions d’une ambition dérisoire:“un p’tit resto, un p’tit ciné, un p’tit café, une p’tite balade, un p’tit week-end, un p’tit bordeaux, un p’tit dessert” (78). Invité à intervenir en Russie dans le cadre d’une de ces “opérations de charme aussi arrogantes qu’infécondes” (25) que sont les colloques institutionnels, et quelques jours plus tard dans Les Matins de France Culture,le sociologue,professeur à Nanterre,distille avec sérieux et à qui veut l’entendre ses féroces analyses sur cette “machine à fabriquer des citoyens invertébrés qu’est la France” (84). L’idée de déboulonner en quelques phrases assassines la statue d’Alain Delon, symbole le plus durable des Trente Glorieuses, semble l’enchanter tout autant que d’ériger au rang d’icône le bien moins célèbre acteur Jacques François qui dans“ses différents rôles n’aura mieux représenté l’autorité verticale, sadique et inflexible de l’école, de l’administration et du patronat français dans l’imaginaire collectif de la Ve République”(122). Tout le monde, de toutes les façons, est sûr d’en prendre pour son grade. Sauf peut-être Ruyssen lui-même. Pratiquant juste assez l’autodérision pour n’être pas trop souvent accusé d’hypocrite mais suffisamment le déni pour ne pas se confondre avec ses cibles, il compte bien continuer de convaincre sans risque, et surtout de profiter du charme qu’il arrive encore à exercer sur les femmes de vingt ans plus jeunes que lui. Car le sexe semble être encore sa grande affaire. Et multiplier les conquêtes sa préoccupation principale. Or le temps presse. Il n’y a qu’à parcourir les albums photos des pages Facebook: le monde appartient aux 24–28 ans. À 44 printemps résolus, Ruyssen ne serait-il pas “tout simplement un type qui s’autorise à élargir les règles du jeu pour défendre sa liberté?” (192). Le piège tendu par Nicolas Fargues dans un roman qui partage son titre avec celui de l’essai de son personnage menace sans cesse le lecteur de confondre les deux bouts de la fiction. Qui parle et qui croire? L’habileté de cette mise-en-abyme permet que l’impertinence dont à peu près toute la France fait les frais ne se dissolve complètement dans le cynisme du personnage qui la produit. Lorsque Ruyssen fait le déplacement jusqu’à l’université de l’Iowa pour y décrire les petitesses de son propre pays, une forme de justice poétique s’exerce enfin sur lui. Et s’il peut encore compter sur la mansuétude de son épouse, il n’est pas sûr qu’il se sorte particulièrement grandi de son propre récit. Metropolitan State University of Denver Jean-François Duclos ...

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