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Reviewed by:
  • Le brio réal. par Yvan Attal
  • Cheira Lewis
Attal, Yvan, réal. Le brio. Int. Daniel Auteuil, Camélia Jordana, Yasin Houicha, Nicolas Vaude. Chapter 2, 2017.

Ce film est loin d'être un coup de maître, mais il réussit la gageure d'offrir au spectateur un récit plutôt entraînant sur l'art de la rhétorique—tout au moins durant la première moitié du récit. En guise de contextualisation et d'hommage, la séquence introductive comprend des archives audiovisuelles de Claude Lévi-Strauss, Romain Gary, Jacques Brel, Serge Gainsbourg, entre autres, dont l'éloquence manifeste se traduit par des pensées profondes et choix précis de mots sur divers sujets. Ainsi commence l'histoire de Neïla Salah (Camélia Jordana), d'origine maghrébine—un détail important dès le début—qui arrive en retard au premier cours magistral de Pierre Mazard, professeur d'art oratoire à la faculté d'Assas. D'emblée, Mazard cible la jeune fille et la provoque en lui balançant, l'une après l'autre, des remarques aux allusions incontestablement racistes. L'auditoire est révolté si bien que plusieurs étudiants enregistrent l'échange. Impossible désormais pour Mazard (dont la réputation de facho et réac nourrit Internet) d'éviter le conseil de discipline. Le seul moyen d'amortir les décisions de ce dernier, lui dit le président de l'université, est de former Neïla pour le concours annuel d'éloquence interuniversitaire. Il est dès lors conclu que le misanthrope initiera la jeune fille aux trente-huit stratagèmes de Schopenhauer dans L'art d'avoir toujours raison. À partir de là, le film se laisse regrettablement aller à quelques fantaisies hollywoodiennes. Les petites séquences dans le métro où Neïla doit hausser la voix tout en articulant chaque syllabe en sont un bon exemple, ou bien encore la scène durant laquelle Mazard fait monter Neïla sur une table afin de l'inciter à mieux projeter sa voix dans l'amphithéâtre tout en tenant un crayon entre ses dents. La formule, comprenant une juste dose de tendresse, est toute trouvée: la tchatcheuse [End Page 238] des banlieues apprivoisée finit par charmer—de par sa détermination de battante—le rhétoriqueur élitiste vieillissant pour qui seule la raison prévaut:"L'important, c'est d'avoir raison. La vérité, on s'en fout." La base du film repose ainsi sur ce qui oppose ces deux personnages stéréotypés. On pourrait aisément reprocher au film de s'appuyer quelque peu étroitement sur le complexe du sauveur blanc. À vrai dire, et même si la fin du récit tente certainement de nous convaincre du contraire, l'histoire cristallise quelque peu nos attentes conformistes du prof blanc venant au secours d'une jeune fille de banlieue. Ceci dit, Le brio procure un bien-être que l'on retrouve fréquemment dans tous les films où la prise de confiance en soi est de prime. Côté langue, les étudiants en stylistique et/ou conversation avancée prendront grand plaisir à écouter les dialogues des deux personnages ainsi que les petites leçons de rhétorique de Mazard. Ce film va de pair avec À voix haute: la force de la parole (2017), l'excellent documentaire de Stéphane De Freitas et Ladj Ly qui se focalise sur le concours Eloquentia de l'Université de Saint-Denis.

Cheira Lewis
DePauw University (IN)
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