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Reviewed by:
  • Microfictions 2018 by Régis Jauffret
  • Khadija Khalifé
Jauffret, Régis. Microfictions 2018. Gallimard, 2018. ISBN 978-2-07-019768-2. Pp. 1024.

En poursuivant sa quête d'elle-même, la littérature d'aujourd'hui semble éprouver un malaise par rapport à une classification générique délimitée. Microfictions 2018 en est une illustration de plus. Jauffret relate de petites vies qu'il réunit dans un ouvrage curieusement (prétendument?) classé dans le genre romanesque alors qu'il se démarquerait du roman à proprement dit. Selon la typologie générique consensuelle, [End Page 237] Microfictions 2018 ne serait pas un roman mais un recueil de courts récits (en l'occurrence, d'anecdotes) tant au niveau de l'énoncé qu'à celui de l'énonciation. En effet, les cinq cents récits, d'une page et demie chacun, sont indépendants les uns des autres, et chacun survole une tranche de vie dans l'existence d'un personnage fictif. De nos jours, serait-ce donc un "roman" tout ce qui ressort de la fiction, quelle que soit la nature du texte écrit?—Dans les faits, même les récits autobiographiques se désignent de plus en plus par "roman", mais cela est un autre sujet de débat. Jauffret indique en quatrième de couverture que son livre rassemble "[t]outes les vies à la fois". Ainsi l'accent n'est-il pas mis sur une continuité logique ou psychologique entre les anecdotes, mais sur un moment défini, la simultanéité, dans l'existence de chacune des cinq cents vies évoquées—dont une lecture linéaire pourrait d'ailleurs paraître saugrenue. D'où la différence avec la Comédie balzacienne, qui relate des vies dans leurs rapports les unes avec les autres, et la différence avec la Recherche proustienne dans laquelle l'écoulement du temps favorise la succession des sens. Chaque anecdote dans Microfictions 2018 enferme le sens dans l'événement raconté, mais on ne peut que s'interroger sur le contexte qui n'est pas raconté. À titre d'exemple, dans "Petits d'animaux humains" (759–60), où la narratrice met sa maison sens dessus dessous avant de l'incendier, même si la cause apparente en est clairement évoquée (elle souhaiterait reprendre sa vie de couple sans enfants), la raison de son désir reste toutefois enfouie. Comment sont les enfants? Pourquoi la mère leur en veut-elle? Comment vivait cette mère avant de les avoir mis au monde? Que se passe-t-il après l'incendie? Autant d'interrogations auxquelles un roman traditionnel aurait sans doute répondu, mais qui pourraient dans ce genre d'anecdotes provoquer la frustration des lecteurs et, par là même, faire appel à leur imagination. La critique de la réception pourrait à ce propos s'en prévaloir puisqu'il ne s'agit pas simplement d'actualiser le récit par la lecture, mais d'en compléter le sens en même temps. L'écriture elliptique et le détail impulsif peuvent être exploités et servir d'exemple, ou de contre-exemple, dans les ateliers d'écriture. En outre, à cause justement de la densité et de la brièveté de ces anecdotes "jauffretiennes", les enseignants peuvent à l'occasion en tirer profit dans d'autres cours pour illustrer certains concepts de la narratologie et du structuralisme. Avec cinq cents anecdotes déployées "à la fois", on en aura l'embarras du choix.

Khadija Khalifé
University of Portland (OR)
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