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Reviewed by:
  • Manikanetish by Naomi Fontaine
  • Laurence Clerfeuille
Fontaine, Naomi. Manikanetish. Mémoire d'encrier, 2017. ISBN 978-2-89712-489-2. Pp. 144.

Le retour dans la réserve de Uashat (au Québec) de Yammie, jeune enseignante innue, permet d'aborder le thème de l'exil de façon inattendue: "L'exil se trouve à huit heures de voiture et il a la peau pâle" (9). Ce retour s'accompagne d'une découverte de ses élèves, mais aussi d'elle-même. En partageant les expériences de la première année d'enseignement de Yammie à Manikanetish, l'école de la réserve, Fontaine brosse des portraits rapides mais attachants et pleins d'humanité des jeunes élèves. Car croiser les destins de Marc, bien déterminé à décrocher son diplôme malgré le choc du décès de sa mère, de la fort brillante Mélina qui abandonnera pourtant subitement l'école en cours d'année, ou de la travailleuse Mikuan, jeune mère qui ne parviendra pas à décrocher son diplôme, permet à Yammie de réfléchir sur son appartenance à la [End Page 233] communauté et d'aborder la question de l'identité innue dans toute sa complexité. L'écriture de Fontaine va à l'essentiel tout en s'arrêtant sur des détails fascinants qui retranscrivent avec émotion la vie relativement méconnue de la réserve innue d'aujourd'hui dans ses joies, ses défis, ses espoirs et désespoirs. Le récit est composé de vignettes sur différents aspects de la vie dans la réserve et de brefs dialogues entre Yammie et ses interlocuteurs. Loin de toute moralisation ou victimisation à l'égard des Innus, Fontaine parvient à dévoiler au lecteur les difficultés quotidiennes de la vie à la réserve (chômage, précarité, drogues, suicides) ainsi que le racisme auxquels les Innus sont confrontés. Lorsque Yammie observe des photographies dans le couloir de l'école, elle explique notamment l'origine des deux nattes des femmes. Les missionnaires leur avaient appris cette technique de coiffure dans leur propre intérêt: "Parce qu'elles étaient belles au naturel [...]. Attirantes et sauvages. Trop belles pour les hommes de Dieu qui avaient juré l'abstinence. Ils les avaient enlaidies" (23). Sans plaidoyer ni longue digression historique ou politique, Fontaine donne une voix aux photographies et aux Innus, car elle sait trouver le mot juste et l'anecdote inoubliable qui interpelleront le lecteur. Sous chaque détail se cache un pan de l'histoire ou de la vie innue qui va être conté sans jamais tomber dans les lieux communs. De même, l'auteure est capable de capter les moindres nuances des émotions sans jamais tomber dans la banalité lorsqu'elle rapporte les interactions entre ses personnages. Fontaine excelle dans l'art de faire parler les histoires trop longtemps tues ou étouffées, les silences pesants, et les non-dits pourtant bavards. Quand la narratrice voit le jeune Marc rire à nouveau pour la première fois depuis le décès de sa mère, sa remarque vient nuancer ses propos et affiner son observation: "Pas aux éclats; plutôt le rire de celui qui se remet à respirer après s'être retrouvé sous l'eau quelques secondes de trop" (49). Dans une véritable poétique de l'espoir inespéré, la romancière dépeint des personnages attachants qui font de la réserve un lieu difficile où triomphent néanmoins la beauté, la solidarité et la vie.

Laurence Clerfeuille
Saint Michael's College (VT)
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