In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Femme à la mobylette by Jean-Luc Seigle
  • Nathalie Degroult
Seigle, Jean-Luc. Femme à la mobylette. Paris: Flammarion, 2017. ISBN 978-2-0813-7868-1. Pp. 228.

Dans ce conte social, l'auteur de Je vous écris dans le noir (2015, FR 90.1) nous offre un nouveau portrait de femme déchue. Reine, âgée de trente-cinq ans et mère de trois enfants—Sacha, Igor et Sonia—est au chômage depuis trois ans. "Débobinée", elle vit dans la précarité et la peur de perdre ses enfants depuis qu'Olivier, son mari, l'a quittée pour une veuve qui tient une quincaillerie à Biarritz: "il a emporté sa joie d'homme ailleurs" (36). Orpheline, Reine a été élevée par sa grand-mère, Edmonde, une ouvrière communiste appartenant à une longue lignée de femmes fortes, solidaires et abandonnées par la gente masculine. En hommage à Tolstoï, Edmonde avait appelé sa fille Anna, la condamnant peut-être à une mort tragique. Elle décéda d'une overdose d'héroïne quelques semaines après la naissance de Reine. Avide lectrice, Anna avait reconnu dans Les chants de Maldoror et Les fleurs du mal (46) ce profond dégoût du monde qui la poussa à rejoindre le mouvement hippie des années 1970 et à contester les valeurs sociétales à travers de nombreuses extravagances. Enfant, Reine était souvent rejetée par ses camarades si bien qu'elle trouvait refuge dans la couture, une activité valorisant ses "mains utiles" (54). Ce penchant artistique a perduré; maintenant elle confectionne des "tissanderies", des "petits tableaux de chiffons" (58) qui racontent ses pensées, ses souvenirs et des scènes de vie réelles ou imaginées. Un jour, le miracle se produit lorsque Reine découvre une mobylette bleue ensevelie sous la décharge de ferraille qui a remplacé le jardin. Elle est enfin embauchée dans une entreprise de pompes funèbres. En devenant thanatopractrice, elle réintègre fièrement le monde du travail. Puis, c'est en rencontrant Jorgen, un camionneur hollandais marié et père de trois enfants, que Reine "est éclaboussée d'amour" (123). Jorgen permet à cette femme plantureuse de prendre conscience de la beauté de son corps; il la compare à Bethsabée (Rembrandt). Pourtant, le sort s'acharne une nouvelle fois: Olivier obtient la garde des enfants. Pour Reine, "Perdre ses enfants. C'est comme les avoir tués [...] Ils finiront par l'oublier comme elle a si longtemps oublié sa mère" (187). La fin tragique du récit déstabilisera le lecteur. Connu pour sa préférence des phrases courtes, Seigle insuffle néanmoins à son texte une étonnante sensibilité. Ainsi, l'univers de la précarité, la détresse matérielle et psychologique sont traités de manière délicate et [End Page 266] poétique. Le récit de cette femme qui souffre en silence est bouleversant et crie une certaine vérité. Dans "À la recherche du sixième continent" (journal de son voyage à New York inclus après Femme), Seigle s'exprime sur la situation actuelle des migrants qu'il compare à celle des pauvres comme Reine: "Aucune échappatoire possible pour les migrants comme pour les pauvres. [...] L'Europe tout entière n'engendre plus que la pauvreté et la mort dans la plus grande indifférence, sans comprendre qu'elle est nécessairement en train de tuer en son sein ses plus grandes espérances" (239). Ce roman sensible, qui se conclut en manifeste politique, est d'une pertinence incroyable.

Nathalie Degroult
Siena College (NY)
...

pdf

Share