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Reviewed by:
  • La punition by Tahar Ben Jelloun
  • Nacer Khelouz
Ben Jelloun, Tahar. La punition. Gallimard, 2018. ISBN 978-2-07-017851-3. Pp. 160.

Le 23 mars 1965, des étudiants, rejoints par des parents et des chômeurs, se rassemblent dans l'enceinte du stade Mohamed V à Casablanca pour protester contre une circulaire du ministère de l'Éducation nationale "qui interdit l'accès au second cycle des lycées aux élèves de plus de dix-sept ans" (75). La manifestation, à laquelle participe l'auteur, "a été réprimée dans le sang" (10). D'emblée, la narration prend la forme d'un témoignage quasi clinique de la chose vue et vécue:"J'ai vu des corps gisant par terre [...] j'ai vu des mères courir vers des hôpitaux [...], j'ai vu la panique [...], j'ai vu surtout le visage d'une monarchie ayant donné un blanc-seing aux militaires" (10). La punition—véritable expression d'un rapport de force dans lequel le dominant exerce son pouvoir sur le dominé—consiste alors à arrêter plusieurs mois plus tard des jeunes gens au motif qu'ils ont participé à la contestation contre le régime politique. "Nous sommes 94 punis" (84), déplore le narrateur. La punition, c'est envoyer ces étudiants dans un camp militaire pour leur faire suivre"un programme de redressement" (83). Ce sont "les punis de Sa Majesté" (39), nous dit le titre de l'un des dix-sept chapitres que compte ce texte. Jurant au contraire n'avoir commis aucun crime, l'auteur, qui a choisi de recourir au présent de l'indicatif et de narrer les événements à la première personne, entraîne le lecteur dans un univers d'humiliations quotidiennes infligées par des militaires frustes. S'y ajoutent des vexations répétées puis des tortures physiques et mentales dont le récit ne fait pas l'économie. La punition est de ce point de vue le relevé méticuleux du lexique bestial dont font usage ceux pour qui le seul mot d'ordre est le dressage. "Ici vous n'existez pas, vous êtes un numéro de matricule" (44), menace le commandant du camp. La brutalité des militaires chargés de dresser ces jeunes gens, en commençant par les "tondre comme [des] condamnés à mort" (35), rappelle étrangement l'univers oppressant du Dernier jour d'un condamné à mort de Victor Hugo. Des noms sont cités: l'adjudant Aqqa, le commandant Abadou, le général Oufkir "qui avait tiré sur la foule depuis un hélicoptère" (11) ce 23 mars 1965. La punition est un récit autobiographique dont l'auteur dit que "pour oser revenir à cette histoire, en trouver les mots, il [lui] aura fallu près de cinquante ans" (153). Tahar Ben Jelloun dénonce la dictature sous le règne de Hassan II. Il fustige l'ignorance et la violence comme les seules armes dont un pays peut se prévaloir. Mais il ne fait pas que cela. Il nous dit avec force avoir survécu grâce à la poésie. Un vibrant hommage est rendu à Rimbaud, dont il récite avec délectation Voyelles. L'art a ainsi raison de la bêtise. [End Page 224]

Nacer Khelouz
University of Missouri, Kansas City
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