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Reviewed by:
  • À son image by Jérôme Ferrari
  • Michèle Bacholle
Ferrari, Jérôme. À son image. Actes Sud, 2018. ISBN 978-2-330-10944-8. Pp. 218.

Un jour d'août 2003, sur le port de Calvi, Antonia croise Dragan, ex-sergent dans l'armée nationale yougoslave, qu'elle n'a pas revu depuis sa démobilisation en 1992. Ils passent la nuit à parler et au petit matin, en route vers sa famille, Antonia meurt dans un accident de voiture. Elle a trente-huit ans. À la demande de sa mère, c'est son oncle et parrain, celui qui lui avait offert son premier appareil photo à quatorze ans, qui prononce la messe funèbre, point d'ancrage spatial et temporel du roman. Au cours des douze temps de cet inhabituellement long office se dessinent la trajectoire d'Antonia et sa passion pour la photographie qui la mènera à travailler dans un journal local puis à faire un reportage en Yougoslavie dont elle reviendra changée avant d'ouvrir son propre magasin de photographie. Alors qu'au début de sa carrière, Antonia peinait à juguler ses élans artistiques, à la fin elle se contente de torturer les mariés dans des poses impossibles. Entre-temps, il y a eu des photographies de conférences de presse des membres du FLNC qu'elle connaît tous puisqu'ils ont grandi ensemble et qu'elle est la "femme" de Pascal B., chef d'un commando nationaliste corse. Il y a eu les clichés—"immontrables"—de victimes d'attentats à Ajaccio. Surtout, il y a eu cette photo de soldats tuant des porcs qui passent avidement sur des cadavres de femmes pas loin de Vukovar. Un collègue la détrompe: "Aucune photo, aucun article n'a jusqu'ici provoqué aucun choc si ce n'est peut-être le choc inutile et éphémère de l'horreur ou de la compassion. Les gens ne veulent pas voir ça et s'ils le voient, ils préfèrent l'oublier" (177). Nous-mêmes sortons de ce roman horrifiés par les photos que Ferrari ne nous donne pas à voir, mais à imaginer. Peut-être ne préférerons-nous pas oublier tout ça, mais qu'il s'agisse de violence nationaliste corse ou d'exactions des différents acteurs de la guerre en Yougoslavie, impuissants, nous détournons le regard, un regard que le ou la photographe ne peut détourner, comme Antonia ou comme Kevin Carter et sa photo de l'enfant africain guetté par un vautour qui lui valut tant d'accusations et le conduisit peut-être au suicide. Tel un photographe, Ferrari est dans ce roman un maître de la composition puisque chaque chapitre prend son titre d'un cliché—pris par Antonia ou encore Gaston Chérau et Rista Marjanovic sans qui Ferrari dit que ce roman n'aurait pas été—autour duquel il est construit. À son image offre une réflexion sur la photographie, son usage, son rapport à la vérité et la réalité, son lien à la mort (déjà relevé par Barthes), son potentiel d'obscénité (quand suggérer est pire que montrer), sa représentation de "l'inéluctable défaite des hommes" (73). Aussi entier que son héroïne, Ferrari, récipiendaire du Goncourt 2012 pour Le sermon sur la chute de Rome, ne détourne pas le regard et nous malmène jusqu'au bout de nous-mêmes. [End Page 216]

Michèle Bacholle
Eastern Connecticut State University
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