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Reviewed by:
  • En marche vers l'immobilisme by Agnès Verdier-Moliné
  • Samia I. Spencer
Verdier-Moliné, Agnès. En marche vers l'immobilisme. Albin Michel, 2018. ISBN 978-2-226-43731-0. Pp. 281.

L'ironie du titre n'échappera pas aux lecteurs, et la remarque "20 réformes lancées: oui, mais...", suivie des questions qui fâchent posées en couverture, annonce déjà le ton et les critiques visant le parti éponyme. Paru en octobre 2018, c'est-à dire à peine quelques semaines avant le mouvement des Gilets jaunes, le livre permet de comprendre, à certains égards, la profondeur du malaise, vu qu'en Europe, "la France est toujours championne de la pression fiscale—avec plus de 45% de taux de prélèvements obligatoires" (10). Hâtons-nous toutefois de préciser que peu sont les points sur lesquels l'auteure et les manifestants convergent, car les préoccupations de ceuxci—notamment le pouvoir d'achat ou les inégalités—ne sont pas celles de la directrice de l'iFRAP (Fondation ou Institut français pour la recherche sur les administrations [End Page 207] politiques publiques), axée essentiellement sur la croissance et la compétitivité des entreprises, et la dénonciation des facteurs qui causent leur blocage. Ce think-tank proche de la droite libérale est inscrit comme représentant d'intérêt (lobby) auprès du Parlement. Les mécènes qui le financent ne sont pas connus. Les syndicats, la SNCF, la fonction publique, les allocations de chômage et Pôle emploi sont parmi les cibles dans le viseur de Verdier-Moliné. Si de part et d'autre le désenchantement est de taille, les raisons sont totalement opposées. Ici, c'est parce que les réformes n'ont pas été réalisées, et la promesse de "baisser les dépenses" (12) loin d'être tenue. On prétend qu'on va "'changer le modèle social' mais 'sans y toucher'. Bref, on va rester immobile tout en disant qu'on bouge" (12): "les gouvernements passent, les réformes trépassent" (14). Pourtant, quelles que soient leurs tendances, les lecteurs apprécieront une grande partie des judicieuses analyses de l'auteure sur la complexité du Code du travail, le nombre exorbitant d'élus et d'agents publics à chaque échelon du millefeuille administratif, la lourdeur des charges pour les TPE/PME, "la frénésie fiscale" (52), l'opacité et le manque de transparence "comme on l'a vu encore récemment avec l'affaire Benalla" (13), le "réel problème de transmission de l'information au niveau des collectivités territoriales" (90), ou le fait que le "Parlement [soit maintenu] dans une dépendance toujours plus grande par rapport à Bercy" (146). Nombreux sont ceux qui seront courroucés de découvrir les montants faramineux des primes illégales et des indemnités versées "aux administrateurs des finances publiques" (108), aux hauts fonctionnaires, "aux ministres et aux parlementaires" (110), et qui ne sont ni publiés au Journal Officiel ni soumis à l'impôt sur le revenu. Certains ne manqueront pas de noter les contradictions. D'une part, l'auteure décrie la hausse des dépenses et l'accroissement de la dette publique. D'autre part, elle déplore la "baisse programmée des crédits accordés [à] la lutte contre l'immigration irrégulière" (82), et le "sous-dimensionnement criant des budgets 'pénitentiaires' [...] alors que le flux des entrants dans le milieu carcéral ne faiblit pas, au contraire" (92). En conclusion, il suffirait de dire que les lecteurs avisés sauront extraire la substantifique moelle de cette appréciable étude tout en passant outre les opinions tendancieuses.

Samia I. Spencer
Auburn University (AL), emerita
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