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Reviewed by:
  • Travelling: un tour du monde sans avion by Christian Garcin, et Tanguy Viel
  • Jean-François Duclos
Garcin, Christian, et Tanguy Viel. Travelling: un tour du monde sans avion. Lattès, 2019. ISBN 978-2-7096-5969-7. Pp. 288.

Garcin et Viel partagent avec Phileas Fogg et Passepartout un point commun, celui de n'avoir pas pris l'avion pour effectuer leur tour du monde. Si dans le cas du roman de Verne la question ne se posait pas vraiment, l'aviation n'en étant à cette époque qu'à ses balbutiements, la contrainte est beaucoup plus concrète dans le cas des auteurs de Travelling qui, comme la plupart d'entre nous, n'hésitent pas à s'arracher du sol chaque fois qu'il s'agit de se faire transporter, à raison d'environ un fuseau horaire par heure jusqu'à sa destination. Le voyage de près de trois mois auquel nous convient Viel et Garcin n'est pas une course de vitesse mais bien une invitation à se laisser prendre par une lenteur au long cours afin de "ceindre la Terre" (21) sans jamais quitter sa surface. On ira donc au rythme où vont les porte-containers pour traverser les océans, les trains et les automobiles pour parcourir les continents, et parfois l'autocar pour joindre une ville à l'autre. Chemin faisant, nos auteurs ne se privent pas de rendre visite à des amis ou, coupe du monde oblige, de voir les matchs les plus décisifs de l'équipe de France. Certes, ils ne font ainsi que passer à la surface des paysages et des êtres au point de se soumettre parfois à la force de leurs a priori. Une bonne partie de l'espace américain s'opposerait à l'imaginaire à cause de "notre incapacité à se la représenter" ailleurs que dans les films (163); le paysage japonais renferme (comme un origami) "un arrière-monde invisible, non dévoilé" (165) résistant au visiteur trop pressé; l'immensité du territoire russe cache, sous son apparence de platitude, la plus grande des profondeurs (237). Derrière ces manières de catégoriser les espaces, utiles mais attendus, le regard finit malgré tout par s'enrichir de mille images dont la [End Page 242] succession, imposée par le mouvement horizontal, constitue, on le sent, une véritable expérience intérieure. À égales proportions du sentiment de continuité du voyage s'accroît alors celui, enivrant, de la contiguïté des lieux (244). Au-delà des effets d'homogénéisation imposés par la mondialisation, le monde peut encore se visiter dans sa diversité et les lieux se parler. C'est du reste du côté des "remonteurs de fleuves" et de Proust que les lecteurs sont invités à chercher un fil rouge à ces pérégrinations: "il ne s'agit plus de découverte, mais de répétitivité, qui entraîne le repli et la méditation. Plus uniquement de compréhension du monde, mais aussi de révélation, de découverte de soi." (162) Travelling, sans révolutionner le genre du récit de voyage, est signé par deux grands auteurs contemporains dont les styles et les observations, au lieu de se faire concurrence, finissent par se compléter dans la nuance. "Vu de chez nous, tout se ressemble" (244): il est donc heureux de voir deux romanciers, partageant un même goût pour l'horizon, une égale sensibilité pour les noms de lieux, tenter de déverrouiller l'image d'un monde qu'on préfère survoler que traverser.

Jean-François Duclos
Metropolitan State University of Denver (CO)
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