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  • Tristes grossesses: l'affaire des époux Bac (1953–1956) by Danièle Voldman, et Annette Wieviorka
  • Edward Ousselin
Voldman, Danièle, et Annette Wieviorka. Tristes grossesses: l'affaire des époux Bac (1953–1956). Seuil, 2019. ISBN 978-2-02-139994-3. Pp. 181.

Le procès de Bobigny (Seine-Saint-Denis) est encore connu: en 1972, cinq femmes y furent jugées pour complicité ou pratique de l'avortement, dont une jeune fille qui [End Page 231] avait avorté après un viol. La défense fut assurée par Gisèle Halimi, qui fit du procès une tribune contre les lois interdisant l'avortement (voir Choisir la cause des femmes, Gallimard, 2006). L'exceptionnel retentissement public du procès de Bobigny contribua à faire évoluer l'opinion publique, aboutissant à la loi (Simone) Veil de 1975 sur l'IVG. Par contre, "l'affaire des époux Bac" a été presque totalement oubliée: en 1954, Ginette et Claude Bac furent condamnés à sept ans de réclusion pour avoir laissé mourir, faute de soins, leur quatrième enfant, un bébé de huit mois. Une gynécologue, Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, constatant que ce couple de 25 ans avait eu cinq enfants en cinq ans, se porta témoin à décharge lors du procès. Deux ans plus tard, elle fonda, avec la sociologue Évelyne Sullerot, l'association Maternité heureuse, qui deviendra en 1960 le Planning familial, mais qui n'aura pas beaucoup d'influence à ses débuts. Il faudra attendre jusqu'en 1967, lorsque la loi (Lucien) Neuwirth abrogea enfin la loi de 1920 qui interdisait non seulement la contraception, mais aussi toute forme d'information sur la contraception. Danièle Voldman et Annette Wieviorka ont examiné l'affaire oubliée des époux Bac, dont le second procès, en 1955, avait pourtant été largement suivi par la presse. Le récit de ce "couple ordinaire, de ces gens sans importance, donc sans histoire" (15) commence banalement, avant de virer vers le sordide lorsque les jeunes époux de milieu modeste n'arrivent pas à faire face à l'arrivée d'un nouvel enfant chaque année. En particulier, Ginette Bac sombre dans une dépression à la suite de ses grossesses non désirées, tandis que son mari accumule les heures supplémentaires à son travail, cherchant désespérément à subvenir aux besoins financiers du ménage. L'enquête de Voldman et Wieviorka décrit les conditions de vie du jeune couple, dont le logement exigu devient progressivement un taudis. L'aide des parents de Ginette et Claude, les visites occasionnelles des assistantes sociales, elles-mêmes débordées par les trop nombreux cas à suivre, se révéleront insuffisantes. Ce fait divers suscitera un débat sur l'accès à la contraception et le contrôle des naissances. Il faudra cependant plus d'une décennie pour que la loi et les pratiques sociales évoluent. Comme le montrent Voldman et Wieviorka, à l'époque du "baby-boom" français, l'alliance tacite de l'Église catholique et du Parti communiste, tous deux farouchement opposés aux campagnes d'information sur la contraception, retarda de plusieurs années toute évolution légale sur la question des grossesses non désirées. La lutte du Planning familial pour faire reconnaître le droit des femmes de choisir—plutôt que de subir—la maternité fut en grande partie stimulée par l'affaire des époux Bac. Plus d'un demi-siècle après le passage de la loi Neuwirth, il est utile de redécouvrir la situation des femmes lorsque l'information et l'accès à la contraception étaient interdits. [End Page 232]

Edward Ousselin
Western Washington University
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