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Reviewed by:
  • Les maquisards. Combattre dans la France occupée by Fabrice Grenard
  • Raphaële Balu
Fabrice GRENARD, Les maquisards. Combattre dans la France occupée, Paris, Vendémiaire, « Résistance », 2019, 616 p.

Dans son dernier ouvrage, l'historien Fabrice Grenard propose « la première grande synthèse sur l'histoire des maquisards à l'échelle de toute la France ». Ce projet s'inscrit dans une riche historiographie et répond à un double impératif. D'une part, les historiens des maquis ont de longue date préconisé un travail à plusieurs échelles, qui tienne compte des réalités locales, sans toutefois négliger une étude plus globale, seule à même de dégager les traits communs des maquis et leurs différences4. Si cette approche semblait une gageure en 1950, elle est aujourd'hui permise par la très grande richesse des études régionales et locales sur les maquis et leurs chefs, leur récent renouvellement5, ainsi que par les pistes ouvertes lors de colloques fondateurs6, l'accès progressif aux archives et la publication continuée de témoignages–comme le rappelle l'auteur dans son introduction (p. 12-13). Fabrice Grenard a lui-même contribué à ce cheminement scientifique, en publiant en 2014 la biographie du chef de maquis Georges Guingouin7. D'autre part, le renouvellement de l'historiographie de la Résistance est largement passé, depuis les années 1990, par des approches sociologiques, voire anthropologiques de l'engagement résistant : dans le cas des maquis, l'indispensable ouvrage que Roderick Kedward a consacré à un large Sud-Ouest en témoigne8.

Les maquisards s'inscrit dans ce double héritage et se distingue d'autres travaux sur les maquis français en s'attachant à reconstituer l'histoire des hommes et non celle des formations maquisardes9, à la suite des travaux de Jacques Canaud10. Fabrice Grenard entend ici s'affranchir, à bon droit, de la légende dorée qui célébra des décennies durant des combattants du maquis entièrement militarisés, aussi bien que de la légende noire qui se focalisa, parfois par anticommunisme, sur leurs débordements (p. 14-15).

Le plan, classique, suit la chronologie de la naissance des maquis puis les grandes étapes de leur organisation et de leurs combats, sans oublier les phases de répression. La part faite à l'avant-débarquement est belle, ce que l'on ne saurait que saluer. Loin de réduire le sujet au stéréotype des maquisards qui, Sten au poing, menèrent la libération du territoire, l'auteur revient sur les débuts des maquis, à la fin de 1942. Il montre ainsi que, la Résistance étant à ses débuts très urbaine, ce n'est qu'à cette [End Page 125] date que l'espace rural commença à accueillir des résistants recherchés, des juifs ou des étrangers menacés par Vichy et par l'occupant, qui ne pouvaient plus bénéficier de l'anonymat des réseaux de la Résistance urbaine. Ils formèrent donc les premiers noyaux maquisards, rejoints ensuite par des ouvriers refusant la « Relève » visant à les envoyer travailler en Allemagne. Mais c'est en février 1943, avec la promulgation du « Service pour le travail obligatoire (STO) », que la situation changea d'échelle : avec l'afflux spontané des jeunes « réfractaires » qui refusaient de partir travailler en Allemagne, les effectifs devenaient trop importants pour être dispersés chez l'habitant. Il fallut donc organiser des campements. Devant l'ampleur du phénomène, les diverses organisations de Résistance apportèrent leur aide et contribuèrent à la structuration et à l'encadrement des maquis.

La militarisation des maquis ne se fit pas en un jour. Fabrice Grenard évoque ainsi le quotidien des maquisards tout au long des années 1943 et 1944. Le manque de moyens et la difficile traversée de l'hiver 1943-1944 en furent des étapes douloureuses. L'aide des populations locales put leur apporter du soulagement ; mais les relations étaient ambivalentes, car les populations craignaient les réquisitions des maquis comme la répression que leur action pouvait engendrer. Malgr...

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