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Reviewed by:
  • Histoire populaire de la Bretagne by Alain Croix, Thierry Guidet, Gwenaël Guillaume etal
  • Benoît Kermoal
Alain CROIX, Thierry GUIDET, Gwenaël GUILLAUME et Didier GUYVARC'H, Histoire populaire de la Bretagne, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2019, 492 p.

Ce livre a pour objet l'histoire de la Bretagne de la préhistoire à nos jours, en adoptant un angle particulier : celui d'une histoire du peuple qui retrace le vécu des anonymes appartenant aux classes populaires. Une telle démarche est similaire aux travaux de Gérard Noiriel et de Michelle Zancarini-Fournel pour la France, ou d'Howard Zinn pour les États-Unis. Les auteurs revendiquent cependant quelques particularités : pas de notes de bas de page, pas d'érudition jargonnante ni d'indications bibliographiques. La lecture se veut le plus fluide possible, mais l'ouvrage ne se présente pas seulement comme un manuel de vulgarisation : les auteurs, qui ont déjà écrit en 2017 une Histoire populaire de Nantes parue chez le même éditeur, ont souhaité offrir une synthèse nourrie des recherches les plus récentes et bien souvent inédites. C'est de ce point de vue une réussite car le livre retrace l'histoire de la Bretagne de façon très documentée, avec l'ambition de parcourir « autant de vies minuscules brassées par l'écume des siècles » (p. 24).

La période des XVIe et XVIIe siècles, qui modifie en profondeur les structures économiques et sociales de la région, est particulièrement bien retracée, mais c'est la période contemporaine qui est la plus abordée puisqu'elle concerne près de la moitié de l'ouvrage. On peut d'ailleurs s'interroger sur les bornes chronologiques de ce type d'histoire populaire : Gérard Noiriel fait débuter son étude à la guerre de Cent Ans, Michelle Zancarini-Fournel se recentre quant à elle sur la période allant de 1685 à nos jours. Ce livre, de son côté, débute donc à la préhistoire, mais les premiers chapitres sont davantage un survol qu'une histoire en profondeur. Il serait bon d'éclaircir le débat, en conséquence, sur la possibilité ou non d'écrire une histoire du peuple sur l'ensemble des périodes historiques. Ce n'est que partiellement fait ici et cela est regrettable, car on ne distingue pas suffisamment les différences entre le territoire breton (dont les contours ont considérablement évolué au fil du temps) et l'identité de la région qui ne se forge que progressivement en fonction bien souvent des évolutions politiques. Le risque était ici de proposer une histoire de la Bretagne comme immuable. De cela, les auteurs se dégagent avec succès : on aurait en effet pu redouter un catalogue d'épisodes historiques et de personnages déjà connus, inscrits dans un déroulé artificiellement reconstruit. Ce n'est pas le cas et fort heureusement. L'ouvrage se détourne d'une vision « éternelle » de la région bretonne, avec ses figures imposées puisées davantage dans une mémoire populaire alliée aux mythes historiques. Ce n'est donc pas une histoire « nostalgique » que l'on peut lire ici, même si l'on retrouve quelques figures imposées (les Bonnets rouges, Bécassine, etc.), mais un vrai ouvrage historique.

Les chapitres concernant les XIXe et XXe siècles offrent une synthèse roborative sur l'histoire sociale de la Bretagne, en essayant d'ailleurs de rompre avec des repères chronologiques uniquement fondés sur l'histoire politique et les régimes successifs. Cela nous paraît une des réussites de cette histoire populaire, qui fait coïncider plusieurs temporalités pour mieux comprendre l'histoire des classes [End Page 272] populaires. Les rythmes du temps sont davantage marqués par les conflits sociaux (Douarnenez en 1924, Fougères en 1932) et les évolutions souvent plus longues que ne le suggèrent les simples ruptures politiques. On découvre également la richesse du contenu de ces chapitres qui dévoilent une histoire de la région parfois méconnue...

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