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  • La Philosophie de la biologie avant la biologie. Une histoire du vitalisme par Charles Wolfe
  • Ghyslain Bolduc
La Philosophie de la biologie avant la biologie. Une histoire du vitalisme Charles Wolfe Paris : Garnier classiques, coll. Histoire et philosophie des sciences, 2019, 514 p, 56,00 €

« Quel est le rapport entre l'interrogation philosophique du vivant et la constitution d'une science de la vie ? » (p. 197). C'est à ce problème que s'intéresse Charles Wolfe, qui ne prétend pas ici proposer des solutions définitives. Cette précaution est de mise vu l'ampleur de la tâche. L'ouvrage s'étend en effet de Descartes à la philosophie de la biologie contemporaine en passant par la controverse Leibniz-Stahl (partie 1), le « matérialisme vital » de Diderot (parties 1 et 2), le vitalisme de Montpellier (partie 3), Claude Bernard, Georges Canguilhem et la biophilosophie du 20e siècle (partie 4). L'analyse historico-philosophique prescrivait d'importantes exigences bibliographiques et méthodologiques dont l'auteur s'est généralement montré à la hauteur.

La problématique directrice de l'ouvrage est d'abord d'un intérêt épistémologique capital. L'auteur considère que la controverse soulevée au Siècle des Lumières par la question « qu'est-ce que la Vie ? » n'est pas étrangère à l'émergence de la biologie (vers le début du XIXe siècle). Il relève à cet égard les occurrences plus ou moins concomitantes des termes « organisme » comme « vocabulaire technique actif », « vitalisme » et « biologie » (p. 444). Manifeste dans les années 1740-1750, cette « crise ontologique » (p. 29) serait d'abord le fruit du débat entre Stahl et Leibniz, qui a généré plusieurs notions telles que la monade et les machines de la nature – ces machines qui seraient, contrairement aux machines artificielles, organisées jusque dans leurs moindres parties. Sur le plan métaphysique, on aurait ensuite assisté à une polarisation entre la vie en tant que substance – qui ne répondrait pas aux lois qui régissent la nature physique (l'âme stahlienne) – et la vie en tant que matière [End Page 308] organisée. Mais l'auteur montre qu'une synthèse s'amorce rapidement au sein d'un courant matérialiste, dont la provenance est en partie clandestine et qui tend à la fois: 1) à matérialiser l'âme humaine par une naturalisation de type cérébral (chez Fontenelle), volitionnel (chez Collins), etc., mais aussi par une médicalisation de la morale et de ses déterminations sociales (chez La Mettrie); 2) à spiritualiser la matière avec Maupertuis, qui postule l'existence de molécules vitales dotées de « désir, d'aversion, et de mémoire » (p. 178), ou alors à la vitaliser avec Diderot, qui attribue plutôt à ces molécules une « sensibilité sourde » (p. 187). Or, pour qu'une controverse débouche sur une « production collective du savoir » (p. 21), l'auteur avance que la résolution de cette polarisation doit se faire sur la base d'un « cadre quasi-paradigmatique » (p. 35) pouvant regrouper divers phénomènes.

Engageons-nous sur les pistes tracées par l'auteur: si un tel cadre pouvait participer « à la définition des limites d'une nouvelle science » du vivant (p. 205), l'interrogation philosophique sur la spécificité de la « Vie » n'apparaîtrait-elle pas comme un moment fondateur de la genèse de la biologie ? À la lumière de notre lecture, ce qui paraît mériter le statut de « cadre quasi-paradigmatique » d'une pensée biologique émergente est le mécanisme élargi, notion la plus féconde de l'ouvrage selon nous et qui devrait se trouver dans la boîte à outils de tout épistémologue de la biologie et de la médecine. Spectre de réduction des corps vivants et de leurs comportements fonctionnels à l'arrangement vital de leurs éléments matériels présumés, le mécanisme élargi se trouverait ainsi entre un mécanisme strict – qui n'admettrait que l'espace, la figure et le mouvement – et un « vitalisme substantiel » comme celui de Stahl. En vertu de la diversit...

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