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Reviewed by:
  • Suffering Scholars: Pathologies of the Intellectual in Enlightenment France by Anne C. Vila
  • Bénédicte Prot
Anne C. Vila. Suffering Scholars: Pathologies of the Intellectual in Enlightenment France. Philadelphia: University of Pennsylvania Press, 2018. Pp. 280. $65, £56.

Couvrant une vaste période allant des années 1720 aux années 1840, cette monographie montre en quoi la figure du savant malade est une invention du siècle des Lumières. Le processus de pathologisation de l'activité intellectuelle, propre au long 18e siècle français, se manifeste par un ensemble de discours et de représentations ayant trait à la corporalité et à la santé de ceux qui, indistinctement, se livrent aux travaux de l'esprit.

Par essence au croisement du littéraire et du médical, l'entité nosographique au cœur de cette étude révèle un phénomène culturel qui s'impose avec De la santé des gens de lettres (1768) de Tissot et dont la Physiologie et hygiène des hommes livrés aux travaux de l'esprit (1834) de Réveillé-Parise forme l'apogée. Les traités de médecine côtoient ici les écrits de Voltaire, Diderot, Montesquieu, Rousseau, Germaine de Staël, Marivaux et Destouches. Grâce à cette variété de sources caractéristique d'une approche résolument interdisciplinaire, Anne C. Vila offre une plongée dans les textes médicaux volontiers cités et jette un nouvel éclairage sur des œuvres connues. La découverte de tout un corpus sur les maladies des lettrés et la relecture du canon littéraire ne constituent pas le seul apport de l'ouvrage. Le mythe du savant malade fait également apparaître l'intellectuel des Lumières sous ses différentes facettes, de la catégorie floue des gens de lettres aux figures de la femme de lettres, du philosophe et du génie.

Les six chapitres du livre sont encadrés d'une claire introduction et d'un épilogue sur le désintérêt des médecins pour la santé des lettrés à partir des années 1840. Chaque section a son économie propre sans que cela nuise à la fluidité et à l'articulation générale du propos. Le dernier chapitre, qui se concentre sur les composantes propres aux discours des hygiénistes et des aliénistes après la Révolution et dans les premières décennies du 19e siècle, fait ainsi écho au premier chapitre qui montre en quoi, au temps de Tissot, l'activité mentale pensée dans ses excès touche au physique et met en péril la santé. Traversés par la tension entre intériorité et sphère sociale, les chapitres 2 et 3 traitent des représentations: le solitaire absorbé dans ses pensées est une figure topique et les considérations sur les passions participent de l'élaboration du type théâtral et du portrait du philosophe. Un lien structurel unit les chapitres suivants, chacun étant bâti sur un couple d'études de cas. La dimension corporelle de l'identité du penseur se manifeste dans la conception diderotienne du génie, mais aussi dans les écrits privés et satiriques d'un Voltaire qui relie allégrement le ventre et la tête. L'étude des pathographies rousseauistes et celle du personnage de la poétesse Corinne permettent de réunir Rousseau et Germaine de Staël autour du thème de la mélancolie.

Cette synthèse sur le corps pensant et souffrant offre donc un parcours riche et agréable dans la culture des Lumières et constitue une lecture de référence pour quiconque s'intéresse aux relations entre la littérature et la médecine aux 18e et 19e siècles. [End Page 161]

Bénédicte Prot
University of Oxford
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