Abstract

Abstract:

L'œuvre de Vincent Placoly (1946–1992), militant indépendantiste, historien et écrivain, s'inscrit dans un effort collectif pour ressusciter l'histoire, effort qui a conduit bon nombre d'écrivains des Caraïbes françaises à remettre à l'honneur un passé souvent négligé, voire dénié par les historiens officiels. Dans son troisième roman, Frères volcans (1983), Placoly revient sur la révolution de mai 1848 aux Antilles. Cette insurrection populaire, essentiellement menée par des esclaves, força les autorités coloniales à déclarer l'abolition unilatérale de l'esclavage et l'amnistie générale pour les révolutionnaires noirs. Le roman de Placoly prend la forme d'un journal intime, rédigé par un colon blanc pendant les six premiers mois de 1848 et "découvert" par un narrateur extradiégétique qui se qualifie d'historien. Si le journal est fictif, Placoly s'appuie sur des documents d'archives véritables, qu'il cite directement et à plusieurs reprises, de façon à ancrer son roman dans ce moment décisif, quoiqu'oublié, de l'histoire antillaise. Mais ce roman singulier va plus loin: non seulement il remet en cause la tradition historique française qui a fait oublier la révolution antillaise, mais il revient aussi sur la logique chronologique qui structure habituellement la conception occidentale de l'Histoire, ainsi que la fiction. Cet essai montre comment l'inscription du temps, au niveau narratologique du roman, constitue une partie indissociable de l'argument politique et historiographique de Placoly et brouille la distinction épistémologique entre récit historique et romanesque.

pdf