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  • La liquidation programmée de la culture. Quel cégep pour nos enfants? by Sébastien Mussi
  • Hans-Jürgen Greif (bio)
La liquidation programmée de la culture. Quel cégep pour nos enfants?, s. la dir. de Sébastien Mussi, Montréal, Liber, 2016, 158 p.

Avant de parler de ce recueil aux dimensions modestes, un regard sur l'illustration de la page couverture: sur fond brun, une photo de livres en train de brûler. Il s'agit clairement d'une référence aux autodafés qui avaient eu lieu, soit de manière « spontanée », soit par décret des autorités municipales et gouvernementales, entre mars et septembre 1933 dans de nombreuses villes allemandes. Le 10 mars, le mouvement de protestation contre « l'esprit non allemand » avait atteint son apogée sur la place de l'Opéra à Berlin, où les représentants d'associations d'étudiants, en étroite collaboration avec Joseph Goebbels, ministre de la Propagande, avaient jeté sur le bûcher des milliers de livres d'auteurs allemands, français, britanniques, soviétiques, américains, juifs, communistes, homosexuels, jugés contraires à la doctrine du régime totalitaire. On brûlait la culture. Le titre du recueil et cette photo donnent froid dans le dos.

Douze auteurs, la plupart enseignant la philosophie dans des cégeps, prennent position face au Rapport final du Chantier sur l'offre de la formation collégiale, déposé par Guy Demers et publié par le ministère de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de la Science, Québec, juin 2014. C'est de ce rapport qu'il est question dans ce livre, après les cinq volumes de la commission Parent (1963–1964), suivis d'un autre, déposé à la suite de la réforme Robillard (1993), complété par d'autres encore, comme celui de 2015, intitulé Cap sur la performance. Les essais que voici sont placés sous le thème du tempora mutantur, alors que notre nature ne change pas nécessairement, mais la société dans laquelle nous évoluons. Pour Guy Demers et al., il semblait donc nécessaire de revoir l'enseignement collégial tel qu'établi par la commission Parent. Les questions de base, que le rapport Demers n'avait fait qu'effleurer, forment le centre des réflexions du livre: « Pourquoi la culture? Comment la définir? »

Quand on sait que plus que quarante pour cent de la population adulte au Québec est fonctionnellement analphabète, quand des enseignants démissionnent ou font des épuisements professionnels (le terme anglais est plus parlant: burnout), quand ils doivent corriger vingt fautes par page d'un travail étudiant, au mépris d'ignorer le correcteur automatique, quand on vise le rétrécissement du tronc des cours dits « de culture générale », il y de quoi sonner l'alarme. Au lieu de donner l'une ou l'autre réponse aux deux questions, suivons celle posée en début d'ouvrage par Guy Rocher: « Pourquoi le cégep? » De nos jours, les savoirs sont fortement fragmentés, les enseignants doivent transmettre une compréhension synthétisée du monde actuel, vision qui ne concorde nullement, et pour cause, avec celle avancée par Demers. Depuis (au moins) une vingtaine d'années, le discours des universités et des collèges tourne autour des termes « nécessité » et « nouvelles clientèles ». On n'arrête pas de répéter qu'il faut arrimer l'école et les besoins de l'économie. Mais cette dernière n'a « rien à faire des cours de formation générale » (deux en langue seconde, trois en éducation physique, quatre en littérature, trois [End Page 365] en philosophie), où la littérature et la philosophie sont les derniers domaines libres des exigences du marché. Sept cours qui mènent à la compréhension du monde au lieu de conduire les étudiants à l'économie du savoir. Je reviendrai sur ce dernier syntagme.

Il est important de se rappeler ceci: à l'époque, Mgr Parent, ancien recteur de l'Université Laval, n'a pas été le premier choix du gouvernement Lesage...

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