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  • Gérard de Nerval et la poésie en vers: des odelettes aux sonnets par Hisashi Mizuno
  • Marine Le Bail
Gérard de Nerval et la poésie en vers: des odelettes aux sonnets. Par Hisashi Mizuno. (Romantisme et modernités, 183.) Paris: Honoré Champion, 2018. 388 pp.

Après avoir publié un volume consacré à Gérard de Nerval: poète en prose (Paris: Kimé, 2013), Hisashi Mizuno se tourne avec ce nouvel ouvrage vers la poésie nervalienne versifiée. Se refusant à lire l’œuvre de Nerval à travers le filtre déformant ‘de la folie, du mysticisme ou du mythe personnel’, l’auteur aspire tout d’abord à recontextualiser les compositions du poète en tâchant de ‘recréer le point de vue de ses lecteurs contempo-rains’ (p. 12). D’autre part, résistant à la tentation d’opposer strictement la légèreté des odelettes de jeunesse à la ‘gravité mystérieuse’ (p. 10) des sonnets métaphysiques de la maturité, Mizuno fait le postulat d’une forme de continuité entre ces deux facettes du génie nervalien, qui s’inscrivent l’une comme l’autre dans une inlassable quête de refondation de la poésie française. La structure du volume épouse l’ordre chronologique de parution des pièces versifiées de Nerval et aborde successivement les trois moments majeurs de sa création poétique. L’auteur traite pour commencer de ‘L’Époque des ode-lettes 1830–1834’, période d’intense expérimentation formelle pour le jeune romantique qui tente de trouver sa voix propre; viennent ensuite ‘Les Années des sonnets 1841–45’, qui coïncident avec la première grande crise de Nerval et fragilisent sa position dans le champ littéraire; enfin, dans une dernière section intitulée ‘Du “mysticisme” aux “Chimères”’, l’auteur se concentre sur les années 1852 à 1854. Mizuno nous entraîne avec aisance dans le laboratoire de la poésie nervalienne, grâce à des analyses de versification d’une grande précision et à une mobilisation du contexte politique, artistique et littéraire, toujours éclairante. Il nous donne ainsi à voir l’auteur des Chimères au travail, inlassablement occupé à remanier et recomposer ses textes, toujours désireux de perfectionner ses techniques de versification en cherchant l’inspiration du côté de la ‘poésie naïve et jeune’ du seizième siècle (p. 71). Le domaine musical permet également au poète de poser la question cruciale ‘du rapport des vers et de la mélodie sous la forme du chant’ (p. 268) et d’esquisser les contours d’une ‘nouvelle poétique nervalienne, fondée sur le postulat d’une enfance des arts, en rapport avec la théorie musicale de Wagner’ (p. 256). Loin de l’aimable et distrait rêveur de sa légende biographique, Nerval apparaît donc comme un acteur lucide des débats littéraires de son temps, doté d’une conscience aiguë des contraintes médiatiques liées à l’essor de la presse, et qui n’hésite pas à présenter au public ‘la figure d’un jeune réformateur révolté, comparable au chef de file de la Pléiade’ (p. 243). Au-delà de la reprise des thèmes lancinants que sont le caractère cyclique du temps, la dialectique entre mort et renaissance, le syncrétisme entre les traditions chrétienne et païenne, c’est en définitive cette attention constante portée au travail de la langue ainsi que la ‘claire conscience [.. .] de participer au renouvellement de la poésie entrepris autour du Cénacle de Victor Hugo sous la Restauration’ (p. 345) que le lecteur retiendra.

Marine Le Bail
Université Toulouse–Jean Jaurè s
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