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Reviewed by:
  • La Tour, Les Choses, La Guerre. Hélène Bessette, George Perec, J.M.G. Le Clézio by Marina Salles
  • Adina Balint
Salles, Marina. La Tour, Les Choses, La Guerre. Hélène Bessette, George Perec, J.M.G. Le Clézio. Paris, Passage(s), 2018. ISBN 9791094898437. 276 p.

"La Littérature est la Parole d'un Temps." En posant les mots solennels d'Hélène Bessette, écrits en majuscule, en exergue à sa monographie La Tour, Les Choses, La Guerre. Hélène Bessette, Georges Perec, J.M.G. Le Clézio, Marina Salles nous convie [End Page 201] à réfléchir au rapport que ces trois écrivains entretiennent avec le "réel" de leur époque. Au-delà de l'analyse des points de convergence entre ces trois romans des années soixante, il s'agit d'emblée d'une invitation à découvrir "les raisons de l'insuccès" (9) d'Hélène Bessette. Romancière et dramaturge française née en 1918 et décédée en 2000, Bessette ne voit pratiquement pas son nom figurer dans l'histoire littéraire (13), malgré la parution, chez Gallimard, de plus d'une dizaine de titres de son vivant.

La démarche de Marina Salles est originale: explorer les liens à première vue improbables entre les trois œuvres: La Tour (1959) d'Hélène Bessette, Les Choses (1965) de Georges Perec et La Guerre (1970) de J.M.G. Le Clézio, en s'attachant à mettre en pleine lumière le livre de Bessette, cette écrivaine prolifique de la littérature des Trente Glorieuses, injustement méconnue en France et dans le reste du monde francophone. On ne lit pas ici une présentation didactique de trois analyses d'œuvres qui s'entrecroisent, mais bel et bien une série de réflexions théoriques et analytiques qui permet de découvrir et d'approfondir des filiations, des dialogues et des résonnances entre les œuvres et les écrivains retenus.

Pour la cohérence de la composition et dans l'intention de montrer comment ces œuvres se distancient de la société de consommation, la monographie—introduite par l'élégante préface de Julien Doussinault, le biographe d'Hélène Bessette—est structurée en quatre sections, selon des questionnements qui parcourent la littérature des années soixante: "Des fictions singulières," "Des romans urbains," "Le monde des choses" et "La question du bonheur." La première section, qui s'appuie sur la notion théorique de "fiction singulière" de Bruno Blanckeman (2002), souligne que la singularité des œuvres étudiées réside dans "le désir de rompre avec le modèle des grands romans du passé" (25), ainsi que dans le renouvellement indispensable des formes pour s'adapter aux bouleversements de la société d'après la Seconde Guerre mondiale. De la reprise des questions éthiques et existentielles que pose une société essentiellement matérialiste à l'idéologie du progrès et du bonheur par l'acquisition des choses, il s'agit de mettre en lumière "la montée des refus au sein d'une génération" (16), dont la littérature se fait l'écho.

La seconde section se penche sur le concept de "roman urbain," en ce que les trois romans ont pour cadre un espace urbain qui livre une image théorique et globalisée de la grande ville contemporaine, lieu du confort, mais aussi domaine de la solitude et de la dépersonnalisation. Par l'analyse de "lieux de passage" (108), de quelques non-lieux, par l'exploration de la périphérie de Paris et des banlieues des grandes métropoles, Marina Salles montre, avec chacun des trois romans, à quel point la littérature devient la source d'interrogations au sujet de l'urbanisation accélérée des Trente Glorieuses. Si, dans l'histoire littéraire, les années soixante demeurent principalement une période d'expérimentation formelle (le Nouveau Roman) où le contexte est souvent évacué au profit de l'accent sur la littérarité, par [End Page 202] son étude, Marina Salles...

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