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Reviewed by:
  • L'école de la banlieue. L'enseignement féminin dans l'Est parisien, 1880-1960 par Cécile Duvignacq-Croisé
  • Marlaine Cacouault-Bitaud
Cécile DUVIGNACQ-CROISÉ, L'école de la banlieue. L'enseignement féminin dans l'Est parisien, 1880-1960, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Histoire », 2013, 360 p.

L'ouvrage de Cécile Duvignacq-Croisé, issu d'une thèse de doctorat en histoire, comble un vide au sens où l'offre scolaire dans les communes suburbaines de Paris depuis les années 1880 et les lois Ferry a été peu étudiée, tout particulièrement en ce qui concerne l'enseignement post-primaire dispensé dans les cours complémentaires (CC) et les écoles primaires supérieures (EPS), absorbées en 1941 par les collèges modernes de garçons ou de filles. En effet, le seul travail d'envergure qui existe sur ce segment du système d'éducation français est celui de Jean-Pierre Briand et Jean-Michel Chapoulie publié en 1992 11. Les auteurs s'intéressent à l'extension du réseau d'établissements masculins ou féminins, en soulignant « la quasi-absence de créations d'EPS dans les villes de la proche banlieue parisienne […], les cours complémentaires [restant], dans le meilleur des cas, les seuls établissements publics offrant un enseignement prolongé pour les filles » (p. 287). Ces dernières, selon les représentations en vigueur au cours des premières décennies du XXe siècle, seraient des mères de famille en puissance et non de futures travailleuses qu'il s'agirait de former.

Cécile Duvignacq-Croisé reprend à son compte ces interrogations, mais en choisissant une perspective originale : elle focalise l'attention sur l'enseignement destiné aux filles, ce qu'elle appelle l'enseignement « féminin », et sur la constitution d'une entité territoriale, la « banlieue Est » de Paris. Celle-ci doit beaucoup aux stratégies développées par une pluralité d'acteurs et d'actrices pour façonner une offre d'instruction en direction de la population féminine, dans le cadre de l'obligation scolaire et au-delà. En effet, il s'agit non seulement d'étendre cette offre, mais encore de la définir du point de vue des établissements concernés (publics ou privés), des types d'enseignement (court ou long), des matières proposées (l'enseignement ménager ou des savoir-faire professionnels plus qualifiants), sachant qu'aucune de ces orientations n'est neutre du point de vue des différences de classe et de genre. Cela implique des débats, des avancées et des restrictions pour le public visé, au cours de cette longue période qui précède l'entrée de tous les enfants dans le second degré–la scolarité devient obligatoire jusqu'à 16 ans en 1959 et les CC sont transformés en collèges d'enseignement général (CEG), eux-mêmes remplacés par les collèges d'enseignement secondaire (CES) en 1963. Cela implique aussi des revendications et des initiatives de la part de femmes et d'hommes qui, en fonction de conditions sociales, de points de vue et d'intérêts divers, cherchent à repousser les limites imposées aux élèves filles et, simultanément, aux territoires qui se trouvent pris dans une relation de dépendance vis-à-vis de Paris. [End Page 166]

L'historienne ne donne pas dans la facilité puisqu'elle s'efforce de retrouver ces dynamiques enchevêtrées qui aboutissent à des réalisations en matière d'« espace scolaire » dans un contexte de promotion de la banlieue sur fond d'inégalités, non seulement par rapport à la capitale, mais encore entre les communes et les cantons. Ainsi, la commune de Vincennes cherche en 1926 à construire une offre qui comporterait la possibilité pour les filles de fréquenter le secondaire (perçu comme bourgeois), le primaire supérieur (destiné plutôt à la petite bourgeoisie et aux couches supérieures des milieux populaires), sans oublier un atelier école « devant recevoir », selon la municipalité, « un aménagement rationnel permettant à l'enseignement professionnel pratique d'y être utilement donné » (p. 242). Cette formation...

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