In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

  • Afrique subsaharienne
  • Eric Essono Tsimi
Semujanga, Josias. Narrating Itsembabwoko: When Literature becomes Testimony of Genocide. London: Peter Lang, 2016. ISBN 9783034320573. 248 p.

Professeur de théorie littéraire à l'Université de Montréal, Josias Semujanga a publié de nombreux ouvrages et articles sur la question du génocide rwandais. Son récent volume, Narrating Itsembabwoko, est à la fois synthétique, documenté, voire érudit, et de lecture fluide. Ce livre s'inscrit dans la lignée des précédents travaux de l'auteur, qu'il reprend — plus qu'il n'en enrichit ni n'en renouvelle les approches. Certains intertitres se retrouvent, en effet, tels qu'ils apparaissaient dans des articles antérieurs. Le titre du livre, quant à lui, fait écho à l'article d'Olivier Barlet sur les témoignages filmiques du génocide, "Representing the Itsembabwoko" (2012). Dans ce dernier texte, qui demeure étonnamment absent de la bibliographie, le critique français de cinéma relevait que le mot kinyarwandais "Itsembabwoko" n'existait pas avant le génocide de 1994.

Ce que l'usage de ce mot rwandais trahit d'emblée de l'ouvrage recensé est l'importance de dire, même ce qui apparaît indicible. L'analyse que fait Josias Semujanga des témoignages du génocide s'ouvre, par exemple, sur les récits qui ont fait "germer" [seeds] le massacre. On y apprend notamment que la rage clanique, dont le génocide est l'étape finale, prend racine dans une difficulté à nommer: "Because of the impossibility of naming the Munyarwanda ('man of Rwanda')."1 Par la suite, le génocide, nom sur le modèle duquel Itsembabwoko ("massacre d'un groupe") est formé, a généré d'autres noms, à la fois comme mot (étymon) et comme fait social "totalitaire."

L'œuvre majeure de Hannah Arendt, The Origins of Totalitarianism (1968), est convoquée par l'auteur pour servir de grille de lecture à la trajectoire historique qui aboutit au génocide des Tutsi. Itsembabwoko apparaît comme une façon, pour les Africains, de s'approprier leur tragédie, comme les Juifs — dont il est beaucoup question — l'avaient fait en parlant de "Shoah," avant que l'usage populaire ne valide le terme d'Holocauste, et ce, à la suite du succès d'une série américaine diffusée en 1978. Le matériau linguistique est ainsi appréhendé comme voie d'accès à l'esthétique et à la rhétorique, les deux mamelles nourricières de la réflexion de l'auteur. [End Page 268] Les récits narratifs examinés sont conçus comme étant des procès esthétiques et axiologiques de la société.

L'auteur aborde la question des émotions du lecteur dès le titre de son introduction (13), non pas pour préfigurer une analyse de l'esthétique de la réception des œuvres du génocide, mais afin de réinterpréter les récits du génocide rwandais comme étant sous- tendus par un fond stéréotypique connu depuis l'Holocauste. Les pratiques scripturaires des écrivains, témoins du génocide, sont informées de plusieurs références culturelles extérieures au Rwanda, qui font dire à l'auteur que l'intertextualité est une "grille herméneutique" (29) appropriée. Il envisage la substitution du transculturalisme à cet "outil" qu'est l'intertextualité. S'il définit sommairement ces concepts importants, les seules références bibliographiques mobilisées par Semujanga renvoient à son propre ouvrage publié en 1999, ce qui rend malaisée une adhésion éclairée à son parti pris méthodologique.

En outre, les œuvres en regard desquelles l'intertextualité devrait être appréciée ne font pas partie du corpus, mais seulement des livres consultés. L'intertextualité avec Primo Levi, Albert Camus et d'autres est donc toujours dite, parfois en note de bas de page, rarement démontrée.

L'ouvrage est organisé en dix chapitres (auxquels s'ajoutent la préface, l'introduction et la conclusion) dont certains avaient déjà été publiés sous forme d'articles. Mais l'auteur rejette l'idée qu'il s'agit d'un recueil d'essais ou d...

pdf