In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • « Ces êtres intéressants et infortunés ». Les enfants trouvés des Basses-Alpes au XIXe siècle by Isabelle Grenut
  • Nadine Vivier
Isabelle GRENUT.–« Ces êtres intéressants et infortunés ». Les enfants trouvés des Basses-Alpes au XIXe siècle, Forcalquier, C'est-à-dire Éditions, 2012, 224 p.

Issue d'un mémoire de master, cette recherche a été couronnée par le prix 2010 de la Société française d'histoire des hôpitaux. Si le sujet est assez connu pour la fin du XIXe siècle, il l'est moins pour la première moitié du siècle, sur lequel porte une grande partie du travail, et l'auteure sait le renouveler par une minutieuse collecte d'archives dispersées. Tout comme Anne Carol dans l'avant-propos et Virginie De [End Page 121] Luca Barrusse dans la postface, Isabelle Grenut replace cette histoire dans le contexte national et montre bien la spécificité des Basses-Alpes. La force de son étude est justement ce cadre départemental qui permet d'être très précis.

Le nombre des enfants abandonnés, de 1809 à 1835, atteint 25 à 30 000 par an pour la France entière, en croissance jusqu'en 1831, puis en déclin régulier. Ceci donne une charge moyenne de 267 enfants par an pour le département des Basses-Alpes ; ils sont inégalement répartis sur le territoire, les hôpitaux de Manosque et Sisteron étant plus chargés que celui de Digne, car ils recueillent les enfants apportés des départements limitrophes (cartographie et graphiques, p. 186-190). Ces enfants ont été déposés dans le tour de l'hôpital (sorte de guichet tournant en bois) ou apportés par la sage-femme. L'étude des registres d'entrée des hospices montre qu'il n'y a pas sélection par le sexe (52 % de garçons et 48 % de filles) et que la plupart sont des enfants naturels. Quelques-uns sont abandonnés par leurs parents quelques semaines après la naissance, sans doute par indigence. C'est surtout au printemps, période de soudure difficile pour les pauvres, que le nombre d'abandons est le plus fort ; il faut nuancer car au printemps arrive aussi le résultat des conceptions illégitimes de l'été.

Ces bébés sont confiés à l'hospice avec quelque marque de reconnaissance : une pièce, un ruban, un bijou ou un petit objet religieux, un billet de recommandation. Tous ces petits documents ont été conservés scrupuleusement jusqu'en 1820 dans le registre des hospices, ensuite ils disparaissent quand prévaut la défiance envers les parents. Isabelle Grenut nous montre ces traces par les illustrations des pages 43 à 79. C'est un temps fort de l'ouvrage, où le lecteur prend conscience de l'attention au petit, de la douleur de la mère qui se sépare du bébé pour des raisons financières ou sociales, bien loin de son indifférence supposée. Ces petits objets ou lettres s'efforcent d'atténuer la douleur de l'abandon en multipliant les recommandations, en créant un lien qui laisse l'espoir de retrouver l'enfant.

Une fois accueilli et baptisé, le petit doit être rapidement nourri, encore faut-il trouver une nourrice disponible. Bien que le texte évite tout dolorisme, les statistiques parlent d'elles-mêmes (tableau 7, p. 196) : on est saisi par la faible chance de survie de ces petits qui se joue dans les quelques jours après l'abandon. À Manosque, 75 % des enfants sont mis en nourrice, dans les deux à trois jours pour les deux tiers d'entre eux. Ceux qui ne sont pas placés et restent à l'hospice sont victimes d'une mortalité de 80 % dans le premier mois. Pourquoi ne sont-ils pas placés, est-ce parce qu'ils sont trop faibles ? se demande l'auteure. L'hospice dispose parfois d'une nourrice à demeure, sinon le lait de chèvre ou la boisson à base d'orge ou de riz est donné au biberon, redoutable foyer de microbes. L'hospice...

pdf

Share