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Reviewed by:
  • Femmes au temps des carnassiers by Marie-Célie Agnant
  • Sarah Bilodeau
Femmes au temps des carnassiers. Par Marie-Célie Agnant. Québec: Les Éditions de Rémue-Ménage, 2015. ISBN 978-2-89091-509-1. 224 pp. 23 €. Broché.

Naviguer la résistance à travers l'écoute

À travers son œuvre, Marie-Célie Agnant s'inspire de l'histoire, de la culture orale et des portraits littéraires des romans canoniques des auteurs tels Gustave Flaubert et Gabriel García Márquez.1 Femmes au temps des carnassiers (2015) n'est pas une exception. Dans ce roman, Agnant utilise cette inspiration multiple pour développer des métaphores qui montrent comment les mêmes injustices ont tendance à se répéter comme des échos dans l'histoire humaine. Avec cette métaphore de la chambre d'écho, Agnant représente comment ces répétitions dans la « Grande histoire » écrite ont le double effet de cacher certaines réalités du lecteur mais aussi d'inspirer une culture orale de se raconter des histoires pour à la fois documenter les expériences vécues et aussi pour se fortifier dans cette communauté.

C'est dans cette communauté que les protagonistes dans Femmes au temps des carnassiers deviennent des résistantes. À travers un processus qui est parfois pénible et parfois joyeuse, les personnages—qui, comme le titre le suggère, sont principalement des femmes—se racontent des histoires et exhument leurs mémoires. Elles ré-encadrent leurs histoires intimes et ainsi elles réclament leur auto-détermination, insistant surtout sur une identité multiple. La résistance formelle contre l'oppression politique ou économique est souvent visible dans les textes historiques ou dans les actualités et les médias. La résistance informelle, par contre, se passe le plus souvent dans des espaces invisibles et intimes. David Goodhew écrit dans son livre Respectability and Resistance, « informal resistance is difficult to define but encompasses anything where the human spirit refuses to be crushed by the weight placed upon it ».2

Dans Femmes au temps des carnassiers Agnant contrôle la représentation de ses protagonistes. En faisant d'elles le centre du narratif, la résistance de ces femmes devient l'élément le plus important de la représentation historique. Agnant dépeint le travail des femmes de se conforter, de se protéger et de se venger au nom de leur proches qui ont subies la violence. [End Page 120] La culture orale dans laquelle les femmes font ce travail a lieu dans des salons et des chambres privées ou sur des terrasses clandestines loin des yeux des voisins et des partisans de Duvalier.

Dans le roman, Agnant met une attention particulière sur l'art de conter ce qu'on pourrait appeler les « istwas » comme ce que Beverly Bell indique dans son livre Walking on Fire: Haitian Women's Stories of Survival and Resistance (2001). Bell documente l'histoire orale et la résistance qu'elle inspire, employant le mot créole « istwa » qui comprend en même temps « la Grande histoire » et « la Petite histoire » et elle suggère que la lecture des « istwas » peut offrir de nouveaux modèles de pouvoir et de relations humaines. Dans Femmes au temps des carnassiers, c'est à travers l'écoute des « istwas » que la protagoniste principale de la deuxième partie du roman, Junon, devient une résistante.

Le roman est divisé dans deux parties. Dans la première partie, il s'agit d'un récit en première personne dans la voix narrative de Mika Perlin, la grand-mère de Junon. Mika est une journaliste qui gagne de la fortitude en écrivant. Elle emploie l'art de conter dans sa carrière en tant que journaliste. Elle l'emploie aussi dans sa vie privée. Elle est confortée par les conversations qu'elle partage avec ses amies dans le temps qu'elles trouvent à passer ensemble, même face aux dangers posés par le régime duvaliériste. Finalement, Mika emploie l'art de conter en tant que grand-mère qui dévoile ses secrets les plus gardés et...

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