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Reviewed by:
  • Le Murmure des îles indociles. (R)écritures indocéaniennes by Jean-Louis Cornille
  • Emmanuel Bruno Jean-François
Cornille, Jean-Louis. Le Murmure des îles indociles. (R)écritures indocéaniennes. Caen: Passage(s)/Essais, 2017. ISBN 9791094898291. 118 p.

Les mécanismes du plagiat, de l'emprunt, de la réécriture, et la place qu'ils occupent dans l'activité et la création littéraires—à diverses époques, comme en divers espaces—ont longtemps été au cœur des préoccupations et des réflexions critiques menées par Jean-Louis Cornille. Si ce dernier s'est attelé à mettre en évidence, dans des études précédentes, les phénomènes de circulation, de réappropriation et de prolongement qui—de Stendhal à Houellebecq, en passant par Bataille ou Rimbaud—travaillent régulièrement à la constitution et aux dynamiques évolutives de champs et de productions littéraires divers, il n'est pas étonnant alors qu'après un ouvrage consacré à l'écrivain martiniquais Patrick Chamoiseau, l'intérêt du critique pour les échos et les relais, les traces et passerelles, d'une aire créolisée à une autre, l'ait conduit aux expressions insulaires du sud-ouest de l'océan Indien. Se penchant sur quelques-uns des traits saillants des littératures de Madagascar et de l'Île Maurice, Cornille s'interroge en effet, dans son dernier ouvrage, sur les itinéraires et les évolutions épistémologiques, sur les influences, les généalogies et les transversalités littéraires et esthétiques dont elles constituent le reflet.

Divisé en huit chapitres, Le Murmure des îles indociles problématise ainsi, à partir de perspectives et d'études de cas variées, ce que le sous-titre de l'ouvrage désigne comme les "(r)écritures indocéaniennes." Le premier chapitre "Ouest ou Est: Où en est le roman indocéanien?" y sert d'introduction et donne d'ailleurs le ton en tentant de situer, tant sur le plan généalogique, que sur le plan géographique, les voix littéraires de la région. Si Cornille insiste à rappeler que celles-ci sont en dialogue avec des ailleurs multiples, il évoque également le rapport paradoxal des îles dites créoles à l'Afrique—rapport qui justifie ce qu'il désigne comme une "exagér[ation], dans la logique des études transocéaniques, [du] taux d'influence qu'auraient eu sur la production des îles océaniennes les créolisations importées des Antilles françaises ou des West Indies anglophones" (10). Or, selon l'auteur, c'est plutôt par le biais de la tension entre Ouest et Est, entre l'Occident et l'Orient, qu'il importerait de repenser la place des littératures india-océaniques. Le concept d'indocilité, renvoyant ici à un insaisissable de l'écriture, que l'auteur se donne pour objectif d'explorer, donne lieu alors à trois questions principales, débattues au fil des divers chapitres: "qu'est-ce qui distingue ces auteurs [de l'océan Indien] entre eux, selon la région de leur origine (chapitres 4 et 5)? Qu'est-ce qui les sépare du canon français dont bon gré mal gré ils héritent (chapitres 6 et 7)? Et avant toutes choses [sic] (chapitres 2 et 3), qu'est-ce qui, à l'intérieur d'un champ littéraire francophone particulièrement houleux, les différencie des professionnels de la Créolité triomphante?" (13)

Le projet est certes ambitieux; et c'est dans le souci de relever les "branchements divers" à l'œuvre dans le corpus étudié que Cornille rappelle, au chapitre suivant, la nécessité de passer d'une vision patrimoniale voire paternaliste des littératures [End Page 230] francophones—basée sur une conception généalogique verticale unidirectionnelle et rivalisante—à des approches privilégiant l'échange, la connexion et la parité, vecteurs de relations plus horizontales. Se référant nommément au manifeste "Pour une littérature-monde en français," l'argumentation du chapitre préfère ainsi à l'opposition "français/francophone" ce que l'auteur désigne comme "une ouverture sur le Tout-Monde" (19). Cet espace de connexions réciproques...

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