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  • Le Temps des femmes. Textes mémoriels des Lumières par Anne Coudreuse et Catriona Seth
  • Pascale Dewey
Coudreuse, Anne et Catriona Seth, directeurs. Le Temps des femmes. Textes mémoriels des Lumières. Classiques Garnier, 2014. Pp 303. ISBN 978-2-8124-3023-7. 32 € (broché). ISBN 978-2-8124-3024-4. 58 € (relié).

Nombreuses sont les femmes qui, au dix-huitième siècle, consacrent beaucoup de temps à l’écriture malgré les interdits leur barrant l’accès à la sphère publique comme l’atteste ce collectif qui nous éclaire sur la situation d’auteures souvent méconnues des spécialistes hexagonaux. Cet ouvrage interroge donc la possibilité d’un mode féminin spécifique pour appréhender le temps par et dans [End Page 192] l’écriture. Issues de pays, de générations, de milieux sociaux et de traditions littéraires et de sensibilités divers, elles opèrent dans un vaste espace francophone: en Russie, dans les îles grecques, en Suisse romande, en Suède voire au Portugal. Si leurs motivations divergent : se mieux connaître, vaincre l’ennui, lutter contre l’usure du temps, témoigner d’événements historiques qui font basculer le destin de certaines, pour d’autres, il s’agit de laisser une image flatteuse d’elles-mêmes à la postérité voire d’aiguiser ou de guider son jugement. Quels que furent leurs motifs avoués ou cachés, ces textes mémoriels ou égo-documents : notes, lettres, correspondances intimes plus ou moins suivies, journaux parcellaires, mémoires, relations de voyage partagent tous un point d’ancrage : celui d’avoir la vie auto-narrée d’une femme en son centre. Les quatorze articles de ce recueil offrent un éventail d’analyses originales qui se complètent. L’initiative de ce projet résulte d’échanges lors d’une table ronde tenue au Congrès des Lumières en Autriche, en juillet 2011, sous l’égide de Philippe Lejeune, pionnier de ce champ de recherches et dont Le Pacte autobiographique (1975) fait référence. Cette démarche s’inscrivait dans le projet « Femme Auteur » de la MSH Lorraine auquel s’est adjoint l’université Paris 13—Sorbonne Paris cité, de l’Institut universitaire de France.

Le recueil s’ouvre sur l’introduction de Catriona Seth (1–42) intitulée « un temps à soi » qui se subdivise en douze courtes rubriques titrées et suivies d’un ensemble de six chapitres d’inégale longueur intitulés : « le temps de l’éducation » (45–69), « le temps politique » (93–119), « le temps viatique » (137–53), « le temps de l’exil » (165–85), « le temps passé » (207–23), « le temps futur » (241–51), regroupés en trios pour les deux premières parties, et en duos pour les quatre suivantes. Chaque article adopte un angle de vue soulevant la problématique de la spécificité du regard et du vécu des femmes en matière de chronologie calendaire, de temps psychologique, vécu, ressenti ou reconstruit, temps subjectif ou objectif tout en cherchant quelles traces permettraient de trouver les éléments d’une réponse genrée au temps qui, bien que ces textes ne s’en réclament pas ouvertement, se rapprochent de l’autobiographie. L’ensemble offre donc un kaléidoscope d’une écriture à soi voire d’une écriture de l’intime puisque sphères privée et publique s’interpénètrent quand l’Histoire fait irruption et bouleverse le destin d’une Marquise de la Tour du Pin, par exemple, aristocrate qui se retrouve brusquement fermière émigrée en Amérique, sous la Révolution. Le phénomène de frontières poreuses entre privé et public s’accélère au fur et à mesure que l’on avance dans le temps avec la valse des régimes puis l’ère napoléonienne et la restauration où le temps s’accélère, rompt avec l’idée d’un retour cyclique immuable et avance vers la modernité. Ces recherches suivent donc successivement le ressenti des auteures s’appuyant sur des textes, notes éparses ou correspondances plus ou moins limitées mais inédites puis...

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